vendredi 12 avril 2013

Horizons - Episode 2 revisité


Le soleil s'est couché depuis une heure lorsque je sors enfin de la zone contaminée. D'après la carte affichée à l’écran, je ne devrais pas tarder à avoir mon objectif en visuel. Je remonte le col de mon manteau et sors des mitaines de mon sac. L'hiver approche et je ne sais toujours pas comment je vais pouvoir refaire mes réserves de nourritures et de munitions. Avec ce qu'il me reste j'en ai encore pour une semaine tout au plus. 

Un bruit me fait sursauter. Je mets mes lunettes et active la vision nocturne... rien. C'est derrière moi maintenant. Je tourne lentement la tête et m’approche silencieusement d’un bosquet. Le bruit s’est arrêté. Je m’accroupis, esquissant une grimace de douleur, car ma cuisse me tire encore cruellement. Je ramasse un caillou au sol, et sors le couteau de chasse de son étui, accroché à ma ceinture. Le manche prend la forme de ma paume et je soupèse l’arme pour me faire à son poids. D’un geste sec, je lance la petite pierre vers les bruissements qui ont repris, prête à taillader tout ce qui viendra dans ma direction. Un raton laveur sort à toute vitesse des fourrés en couinant. Soupir de soulagement. Je crois que j'ai eu aussi peur que lui. 

En rangeant mon couteau, je marmonne quelques obscénités à l'encontre de l'animal déjà loin du danger. Puis, je me remets en route le cœur plus léger, me trouvant un peu idiote à parler toute seule dans l'obscurité de la nuit. Du champ abandonné où je me trouve, je peux enfin apercevoir les vestiges de la ville. De grandes carcasses de bétons et de métal dressées vers les cieux criant la misère de leur histoire. 

Quand je repense qu’il y a tout juste trois ans, le monde se relevait enfin d’une grave crise. Vingt ans d’une crise politique, économique et financière qui ne semblait pas vouloir se terminer… Aujourd’hui encore j’ai l’impression d’être dans un rêve quand je pose mon regard autour de moi. Ou plutôt un cauchemar. Comment a-t-on pu en arriver là ? À quel moment avons-nous franchi le point de non-retour ? De cette grande crise avait émergé un véritable symbole d’espoir. Pour la première fois, l’ensemble des dirigeants de ce monde étaient enfin tombés d’accord sur les bases d’une constitution mondiale. Les résultats des référendums avait fait l’unanimité à plus de 85%, avec un taux d’abstention extrêmement bas. À peine 10%. C’était une victoire pour les peuples, une victoire pour la démocratie, une victoire pour l’avenir ! Alors pourquoi, au moment où nous nous réunissions tous ensemble pour envisager notre société autrement qu’à travers les marchés financiers, pourquoi a-t-il fallu que la folie de quelques-uns anéantissent, en quelques heures, ces années d’efforts et de compromis ? Des années pour voir émerger une solution, quelques heures pour tout balayer. Et les vieilles haines resurgissent du passé. L’Homme est rancunier, sectaire et dominateur. C’est un fait. Et c’est ce qui nous tuera tous. Jusqu’au dernier. 

Je me souviens encore de la grande allocution du Président, quelques temps avant la Rupture. Une de ses ridicules tirades qui n’ont cessé de ponctuer ses discours tout au long de son mandat, salissant l’image de la France à l’international. Il se voyait déjà aux commandes d’un futur gouvernement mondial, jouant aux marionnettistes avec les états membres. Cette fois encore il s’est fourré le doigt dans l’œil, jusqu’au coude même. De toute manière, il n’est plus de ce monde pour contempler son erreur. 

Le sentier de terre se transforme peu à peu en route de béton parsemée de gravats, les arbres deviennent des ruines, et le chant des oiseaux est remplacé par un silence de mort. Je choisis soigneusement où je pose mes pieds, repoussant la douleur de ma blessure dans un coin de ma tête. Prudence et mère de sûreté. Mon père me le répétait souvent. Bien que j’aie souvent associé la prudence à la lâcheté, aujourd'hui je dois admettre qu’il avait raison. Et sa sagesse me manque. 

Je sors le détecteur de chaleur d’une poche de mon sac et l'active. J'ai eu ce petit bijou par l'intermédiaire d'un groupe armé avec qui je suis restée près de deux semaines. Même si nous avons combattu côte à côte pour sauver notre peau et celle de ceux que nous protégions, j'ai tout de même dû débourser une petite fortune pour qu'ils veuillent bien me le céder. Et je ne regrette pas. 

Ce modèle dispose de deux modes : carte ou caméra. En mode carte, il détecte dans un rayon maximal de dix kilomètres toute source de chaleur d’un certain gabarit – exit donc les rongeurs et petits gibiers – ainsi que la présence de puces GPS. Si cette dernière est émise par un humanoïde, alors un point signalera sa position. Toute autre source de chaleur est indiquée par un carré. Ensuite, le détecteur analyse les signaux GPS, déterminant le danger potentiel de l’objet. Car depuis quelques décennies, tous les appareils ont été équipés d’une puce permettant de les tracer en temps réel et d’identifier la marque et le modèle. Autrement dit, lorsqu’un signal rouge lumineux clignotant apparait, que ce soit un carré ou un point, il faut commencer à sérieusement s’inquiéter. Il est possible de doter ses équipements d’un système fantôme, permettant de masquer leur signal GPS, mais c’est compliqué à trouver et cher ; il est impossible de retirer les puces sans détruire l’appareil ou altérer son fonctionnement. 

Pour l'instant, seuls des points et des carrés gris indiquent la présence d’humanoïdes non armés ainsi que d’animaux d’un certain gabarit. Pas de quoi s'affoler pour l’instant. Je vais enfin pouvoir dormir et reprendre des forces ! 

Une demi-heure plus tard, je franchis l’entrée de la ville. Le panneau a été arraché et jeté sur le bas-côté. Le nom recouvert de tag a également été lacéré de coups de cutter. On ne distingue que les cinq premières lettres « Subli… ». Pourquoi certaines personnes se sentent obligées de dégrader tout ce qu’ils croisent ? Je ne comprends pas. 

Je poursuis ma route vers le cœur de la ville. Les rues sont désertes, les volets des bâtiments encore debout sont clos, avec parfois un rai de lumière qui perce entre les joints. Quelques lampadaires bioélectriques fonctionnent encore à puissance réduite, donnant au lieu un aspect lugubre. 

En passant à côté d'une laverie, je récupère de vieux draps moisis par le temps. Je continue à déambuler entre les ruines pendant un long moment. Mon choix finit par se porter sur une grande maison familiale à l'architecture ancienne qui semble inhabitée. De trois ou quatre étages à l'origine, il n’en reste plus que les vestiges du premier, encombré par l'effondrement des étages supérieur. Au rez-de-chaussée, la partie arrière, où se trouvaient probablement la cuisine et la salle de réception, est affaissée. Seul le salon me protégera du vent et de la pluie. Je tire le vieux fauteuil en cuir à moitié éventré qui traîne dans un coin devant l'imposante cheminée. Les draps me serviront à allumer un feu qui me réchauffera l'espace d'une heure ou deux. C'est peu, mais ce sera suffisant pour cette nuit. 

Avant de m'endormir, j'hésite à laisser le détecteur allumé. Finalement, je préfère miser sur la chance et économiser ainsi le peu de batterie qu'il me reste. Enroulée dans mon manteau, je laisse mon esprit vagabonder où bon lui semble. La journée a été dure, mais j'ai connu pire. Des souvenirs douloureux s’emparent de moi, me plongeant dans un état second. La vie est injuste. Et en même temps, je préfère penser que nous méritons ce qu’il nous arrive. Ainsi, cela me donne la dérisoire illusion que je reste maîtresse de mon destin. Je peux influer sur le cours de ma vie. Il faut juste que je continue à m’en donner les moyens. Et que je continue d’y croire. Le doux crépitement des flammes finit par me bercer et peu à peu je sombre dans le pays des rêves, là où tout est permis, même l’espoir d’un meilleur futur.

Ces deux derniers jours j'ai carburé sur cette illustration ! Pour une fois que je réussi à dessiner un mec... un vrai... faut bien que je le partage. Bien évidemment, je n'ai rien inventé, et je me suis largement inspirée d'un artwork de Call of Duty pour la pose et le flingue, mais le résultat me satisfait, alors c'est déjà pas mal !

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire