dimanche 29 décembre 2013

Y a de la collab' dans l'air !


Pour fêter la fin de l'année, voici une petite collab' réalisée avec Philippine (aka Kalumis). Sous son initiative, je lui ai envoyé cette pin-up, et voici ce qu'elle en a fait : la 654° pin-up de Bonjour Kalumis !

Passez tous de bonnes fêtes ! Et à l'année prochaine ;)

jeudi 12 décembre 2013

Horizons - Episode 10 revisité


« Dans la pénombre, je longe silencieusement le mur, un lance-grenade dans mes mains, prêt à servir. Mes semelles crissent légèrement sur les éclats de verres qui jonchent le sol. Ma rapière se balance contre ma hanche. J’ai le souffle court. Le cœur qui bat à cent à l’heure. Arrivée au bout du couloir, je lève le poing gauche et leur fait signe de rester derrière. Ils s’arrêtent et retiennent leur respiration. À pas feutrés, je m’approche de la double porte dont il ne reste que les gongs. Mes mains tremblent sur la gâchette de mon arme, mais je dois assumer mon rôle. Cette fois-ci, c’est à moi d’ouvrir la marche, et il est hors de question que je me défile.


Je retiens mon souffle et passe rapidement la tête dans la grande pièce déserte, avant de me rabattre contre le mur, haletante. Rien à droite. À quelques mètres, je distingue la masse noire de mon groupe. Un pouce se lève dans ma direction. Je hoche la tête et jette à nouveau un rapide coup d’œil dans la pièce. Rien à gauche non plus. La pression se relâche un peu sur mes épaules et j’expire lentement pour me calmer. D’un geste, je leur fais comprendre qu’il n’y a personne, et que nous allons pouvoir reprendre notre progression.

Nous traversons la pièce en évitant de marcher sur les débris qui encombrent le passage. Seuls, le froissement de nos vêtements et le chuintement de nos chaussures sur les dalles de béton troublent le silence de mort qui règne parmi nous. Nous coupons ainsi à travers le bâtiment en ruine, sans encombre. Une fois dehors, ma respiration s’accélère à nouveau et je recommence à trembler. La ruelle est étroite et se termine en cul-de-sac d’un côté. Pas le choix, nous allons devoir sortir à découvert. Au croisement, je lève une nouvelle fois mon poing pour les faire patienter, le temps que je vérifie si la voie est dégagée. Je me colle contre la brique rouge et me laisse glisser le long du mur pour m’accroupir en maintenant ma rapière dans une main. La nervosité me gagne et je me frotte les tempes pour m’éclaircir les idées. Ce n’est pas le moment de paniquer ! Avec prudence, je risque un œil vers la droite. L’avenue semble dégagée. Je tourne la tête et balaye les environs. Rien à signa… Une escouade du PPNG est postée derrière une barricade, à environ cent mètres, et l’un des soldats me fixe d’un regard noir. Merde, merde, merde ! Il faut que je réagisse !

- On est grillé !

Tout en hurlant pour me donner du courage, je me relève et tire une grenade dans leur direction. Je rate mon objectif de peu, mais la détonation nous donnera un peu de temps. Les autres me dépassent et s’enfuient en courant. Quelques voix s’élèvent, dans l’espoir d’organiser notre fuite vers le point de ralliement, que nous avions défini un peu plus tôt dans la journée, en cas de pépin. Suivant le mouvement de foule, j’accroche le lance-grenade à ma ceinture et m’élance à mon tour. Remis de leur surprise, les soldats du PPNG se ruent à notre poursuite, tirant quelques coups de feu dans notre direction. C’est le chaos. L’avenue est parsemée d’obstacles. Ça saute et ça tire dans tous les sens.

Poussée par une fulgurante montée d’adrénaline, je rattrape le groupe et le dépasse. C’est à moi de passer devant pour leur trouver un chemin. Je dois les sortir de là. Les protéger. C’est ma tâche. Je cours à perdre haleine et m’engage dans une rue pour enfoncer la première porte venue. En me retournant pour faire signe aux autres d’entrer, je constate que je suis seule. Personne ne m’a suivie. Paniquée, je reviens sur mes pas. Mes compagnons me passent sous le nez, sans me voir. Une vingtaine de soldat à leur trousse. Bordel, ça ne sent pas bon pour nous. Je dois faire diversion pour leur laisser le temps de fuir.

La panique fait place à la détermination. Je n’aurais pas le droit à l’erreur. J’arme mon lance-grenade et j’attends que l’ennemi me dépasse pour les suivre sans me faire repérer. Puis j’emprunte une rue parallèle au grand boulevard, et, une fois sûre de me retrouver entre ceux que je dois protéger et l’escouade du PPNG, je jaillis, quelques mètres devant eux, tirant une première grenade dans leur direction. L’explosion est assourdissante et le souffle chaud me projette au sol. Des cris me parviennent de l’autre côté du nuage de poussière qui assombrit l’avenue. De rage ou de douleur, je ne saurais dire. J’espère en avoir eu quelques-uns.

Je me relève, encore abasourdie, et regarde autour de moi. Les particules de poussière me piquent les yeux et me grattent la gorge. Le sol tangue dangereusement sous mes pieds. Parmi les débris, je crois reconnaître des morceaux de chair sanguinolente. Je frissonne de dégoût, malgré le sentiment de victoire qui m’étreint la poitrine.

Les autres ont pris de l’avance. Si je fais ce qu’il faut, ils s’en sortiront. Quinze hommes émergent du nuage noir, toussant et jurant. La partie n’est pas encore terminée. J’attache mon foulard derrière la nuque, afin de me me protéger le nez et la bouche, avant de me remettre à courir. Au loin, j’aperçois mes compagnons qui s’engouffrent sous une arche, pour emprunter une petite ruelle, sur la gauche. Dans ma course, je tire une deuxième grenade pour boucher le passage et couvrir leur fuite.

Je continue tout droit et bifurque à droite dès que je peux. J’ai le souffle court et les jambes lourdes, mais je dois éloigner le PPNG des autres. C’est ma responsabilité, me répété-je pour calmer ma peur. Derrière moi, j’entends les jurons des soldats et leurs bottes battre le sol à un rythme effréné. Vu le boucan qu’ils font, je crois qu’ils sont tous derrière moi. Une bonne chose. Je me retourne pour vérifier ; le premier est à moins de dix mètres et je ne vois que dix soldats. Pourquoi est-ce qu’ils ne tirent pas ? Et, plus inquiétant, où sont passés les autres ? Regardant de nouveau devant moi pour me concentrer sur ma course, je tente désespérément de m’arrêter, mais les bras de cinq hommes se referment sur moi. Ces salopards m’ont contournée pour me couper la route. Putain de merde, je crois que je vais crever. La vie d’un des nôtres, contre la vie d’un des leurs. Un échange de bons procédés. Avec un regain d’énergie, je tente de me débattre. Je frappe, griffe, mord, en vain. Ils finissent par m’agenouiller au sol.

Le chef de l’escouade s’approche de moi et arrache le foulard qui couvrait le bas de mon visage pour m’examiner longuement. Je soutiens son regard, sans ciller. Il est trop tard pour pleurer et supplier. L’homme lève son arme. J’esquisse un rictus de satisfaction : j’aurais au moins eu le mérite d’avoir attiré toute leur attention. La crosse s’abat sur ma tête. »

Voilà une illustration d'Ed enfin terminée, avec la suite de l'histoire !

Dans la foulée, je vous informe que le nouveau site de Badabourg.net est enfin en ligne. Les t-shirt du club sont également arrivés avec le nouveau logo floqué dans le dos, et le résultat est plutôt chouette sur du rouge !
Bientôt vous verrez également ma dernière réalisation de site internet : un site vitrine pour une jeune ostéopathe qui se lance après de longues études.

dimanche 24 novembre 2013

De l'autre côté



Le chant des oiseaux, l'eau qui s'écoule entre les pierres, les feuilles qui ploient sous le vent, les brindilles qui craquent sous les pas. Autant de sensations, de fugaces souvenirs d'une autre vie. Rêvée, espérée, idéalisée. Mais surtout hors d'atteinte.

A travers les barreaux flamboyants de sa prison dorée, il imagine, il façonne, donnant des formes harmonieuses, des couleurs chatoyantes, et un parfum exquis de liberté à chacun de ses songes. Ses chimères s'agitent, s'emparent de son âme, et finalement, le rongent plus que ne le soulagent.

Et lorsque cela devient trop insupportable, il ouvre les yeux, contemple la voûte aux milles éclats, et soupire. Que vaut un songe irréalisable face à la vérité âpre et doucereuse d'une vie sans saveur mais réelle ? Pas grand chose.

Et pourtant, il retourne à ses fantasmes, se voyant déjà conquérant des méandres de son esprit malade d'aventures et d'épopées héroïques.

Un jour il sera de nouveau devant elle, elle qui la fascine depuis toujours, elle qui l'attend depuis sa naissance, elle qui l’emmènera de l'autre côté. Pour l'éternité.

lundi 11 novembre 2013

Horizons - Episode 9 revisité


Alors que je continue mon petit repérage, le plus jeune du groupe se lève et vient s’asseoir quelques mètres plus loin, en face de moi. Khenzo me glisse à l’oreille qu’il s’appelle Jeremy. Un blondinet en pleine croissance, avec un bandana noir dans ses cheveux en pétard, l’œil pétillant et un sourire espiègle au coin des lèvres. Sa bouille, encore juvénile, m’est plutôt sympathique.

- Alors comme ça, tu as aidé Khenzo en tuant dix soldats du PPNG ?

Je jette un regard interrogateur à mon voisin qui hausse les épaules en guise de réponse.

- Pourquoi ?
- Il parait que tu les as descendus en moins d'une minute... J’aurais voulu voir ça ! ajoute-t-il en mimant les tirs avec sa main d’une façon théâtrale.

Jeremy se roule au sol et continue à imiter une scène de fusillade. Putain. Je crois rêver. Ce gosse n’a que quinze ans ! Et déjà il glorifie la mise à mort comme si ce n’était qu’un jeu. Mais merde ! Quand les gens meurent, ils ne sont pas reset au dernier checkpoint. Ils pourrissent à l’air libre ou six pieds sous terre. Sans parler de leurs visages qui viennent nous hanter, la nuit, pour nous rappeler nos crimes. Car il s’agit bien de cela. J’ai tué ces hommes. Froidement.

À la fois furieuse et triste, j’endosse le rôle de la moralisatrice :
- C'est exact. Mais cela n'a rien d’admirable de tuer.

Jeremy fait la moue et se passe une main dans ses cheveux, blonds comme les blés, pour les ébouriffer.

- As-tu déjà pointé une arme sur quelqu'un ?
- Euh... non. Mon domaine, c’est plutôt le matériel de soutien et la mécanique, répond-t-il d’un ton enjoué.
- Alors débrouille-toi pour le faire le plus tard possible, sinon tu risques de te retrouver dans le même état que lui.

Le gamin regarde le cadavre que je montre du menton, avec la plus grande indifférence.

- S’il est mort, c’est qu’il ne savait pas se battre, déclare-t-il de but en blanc.
- Redis ça encore une fois et tu peux être sûr qu’on ne t’emmènera plus jamais avec nous, le menace Khenzo.

La voix du jeune homme parait calme, mais je sens la tension monter d’un cran chez lui. Jeremy croise les bras sur sa poitrine et fait mine de bouder. Décidément, entre lui et Tim, je vais finir par croire qu’ils ont tous un caractère de cochon, ici. Khenzo se relâche aussitôt, et réprime un sourire indulgent devant l’attitude puérile de l’adolescent.

- Et toi Xalyah, que fais-tu dans le coin ?

Ignorant la question, je continue d’observer Jeremy. Il ne faut pas plus de trente secondes pour que son attention ne soit captée par autre chose. Il se lève d’un bond et se précipite vers son sac, qu’il se met à fouiller sauvagement, avant d’examiner un appareil détruit par le PPNG sous toutes ses coutures. Je jette un œil à mon voisin.

- Que fait ce gamin avec vous ? Il est trop jeune pour faire partie d’une patrouille.
- Il n’y a pas d’âge pour affronter la mort, répond Khenzo, qui semble un peu agacé par mon ton tranchant.
- Tu parles d’une raison !

Il me considère un instant, puis, après avoir lâché un soupir, adopte une attitude plus amicale :
- D’accord, c’était stupide de ma part de dire ça… Pour être honnête, Tim préfère le garder à l’œil. Il serait capable de nous suivre si on ne l’emmenait pas avec nous, alors il vaut mieux l’avoir sous la main. Et, crois-moi, ce gosse est loin d’être sans ressource. Il pourrait t’étonner. Mais, tu n’as pas répondu à ma question, reprend-t-il après un moment de silence.
- Je poursuis ma route.
- Et où mène-t-elle ta route ? insiste-t-il doucement.

Je soupire à mon tour. Le souvenir du vieil homme agonisant me pèse sur les épaules. C’est pour moi qu’il était resté en arrière, guettant ma venue nuit et jour, afin de rejoindre les autres au plus vite. Et il en est mort. Je refoule mes émotions et décide d’être honnête envers l’homme m’a offert l’hospitalité aujourd’hui.

- Nantes.
- Nantes ?
- Oui, je suis sur la trace de quelques personnes. Et d’après ce que j’ai pu recueillir comme informations, elles se dirigent vers Nantes. D’ailleurs, il se peut qu’elles soient passées par votre cité souterraine. À tout hasard, vous n'auriez pas croisé, il y a quelques jours, un groupe de civils qui cherchaient à fuir la région parisienne ?
- Des civils qui fuient la région, on en a croisé un paquet. Tu cherches qui exactement ?
- Ma famille…

Le sourire de ma mère, la bienveillance de mon père, ou encore l'insouciance de mon petit frère, hantent mes pensées. Ils me manquent tellement. Les choses n’auraient pas dû se passer comme ça. D’ailleurs, rien n’auraient dû se passer comme ça, à compter de la Rupture. Khenzo me parle mais je ne l'écoute pas.

- Excuse-moi, j’étais ailleurs. Tu disais ?
- Quelqu'un pourra sûrement t'aider. On l’appelle le Prophète dans le coin.
- Le Prophète ? C’est ridicule comme nom.
- D’après ce que je sais, continue-t-il en ignorant mon sarcasme, il est au courant de tous les mouvements qui ont lieu dans ce secteur. Personnellement, je ne l’ai jamais rencontré, mais je connais quelqu’un qui pourra te mettre en relation avec lui.
- Pourquoi ferais-tu ça pour moi ?

La prudence reprend le contrôle de mon esprit. J’ai déjà eu à faire à des personnes qui te tendent la main, tout sourire, pour mieux te poignarder dans le dos ensuite. Khenzo pourrait très bien faire partie de celles-là.

- Tu as soigné Camélia sans rien exiger en contrepartie. Comme ça, nous serons quittes.

S’il le dit. Tant qu’il m’assure que rien ne me sera demandé en échange, alors je peux supposer que je n’ai pas grand-chose à perdre à rencontrer ce… Prophète, et peut-être même beaucoup à gagner.

Méditant sur sa proposition, nous en restons-là, chacun s’enfermant dans sa bulle. Je profite de cet instant d’accalmie pour repriser mon short qui a souffert de mes derniers exploits. Puis, de nouveau, je me laisse porter par la tranquillité de cette journée, uniquement rythmée par les quarts de surveillance du groupe. Une ou deux fois, je tente de proposer mon aide pour patrouiller dans le secteur, mais Tim refuse catégoriquement. Encore suspicieux à mon égard, il ne me quitte pas des yeux et épie le moindre de mes gestes. Je décide donc de prendre mon mal en patience et de profiter de ce repos surveillé pour reprendre des forces. J’en ai bien besoin.

Jeremy vient me tenir compagnie une partie de l’après-midi. Comme je l’avais deviné, il va sur ces quinze ans le mois prochain. C’est un gamin bavard, plein de volonté et de bonnes intentions. Il a juste grandi trop vite. Beaucoup trop vite. Et son rapport avec la mort est un peu spécial. Je préfère donc éviter le sujet, même s’il essaye de l’aborder avec moi à plusieurs reprises en me questionnant inlassablement sur l’altercation que nous avons eu, Khenzo et moi, plus tôt dans la matinée. Je ne lui décrirai pas les sensations qu’ôter la vie de dix hommes procure. Non. Tuer est un traumatisme que l’on n’oublie jamais. Ceux qui disent qu’on finit par s’y habituer sont, soit des hypocrites, soit des assassins.

Sur les coups de vingt-et-une heures, tout le groupe se retrouve autour du baril, dont les flammes montent jusqu’à hauteur d’homme. Bilan de la journée : les Balayeurs ont fait le ménage, fouillé les zones de combat de fond en comble et rédigé un rapport sur l’éradication de deux patrouilles qui n’aura pas de suite immédiate. Ils ont suffisamment d’éléments pour ouvrir une enquête, mais trop de choses plus urgentes à traiter pour l’instant : une poche de résistance cause d’importants dégâts dans l’est de la Seine-et-Marne, mobilisant une bonne partie des troupes de la région. Seules cinq unités seront envoyées en renfort dans le secteur pour le moment. En attendant de pouvoir déployer une force plus importante, les troupes sont juste invitées à renforcer l’armement de leur patrouille et redoubler de vigilance. Le travail de renseignement du groupe de Tim est stupéfiant.

Malgré mon vif intérêt pour leur façon de procéder, je reste à l’écart, respectant leur intimité. Après l’analyse des différents évènements de la journée, deux hommes s’occupent de préparer à manger pour tout le monde. Franc et Timothée. Des jumeaux, approchant la trentaine et le mètre quatre-vingt. Si l’un n’était pas habillé d’un treillis et d’un blouson noir, et l’autre d’un jean et d’une veste en tweed, je serais incapable de les distinguer. Ils ont exactement la même corpulence, les mêmes traits et les mêmes cheveux blonds coupés en brosse. Le dominant, Franc, a l’air plus sportif et extraverti que son frère, qui se contente de marcher dans ses pas. Ensemble, ils distribuent les gamelles pleines de nourriture lyophilisée, bourrée de protéines et de vitamines. Très certainement fournie par la cité vu le caractère industriel des sachets. Tandis que des odeurs appétissantes me chatouillent les narines, je me contente de ce qu’il me reste, c'est-à-dire de pas grand-chose. Mes réserves diminuent et je dois rationner mes repas. Je me sers donc un demi sachet de viande en poudre, deux abricots secs et de l’eau. Avec un peu d’effort, je m’imagine sur une terrasse ensoleillée, en train de manger un bon poulet rôti accompagné de frites croustillantes. Mon estomac me fait comprendre qu’il aimerait bien que ce soit vrai. Un jour, peut-être…

L’ambiance est calme autour du feu. La perte de Samuel les a visiblement tous un peu sonnés. Des conversations s’engagent, à voix basse, teintées de tristesse et de regrets. Malgré tout, ces sons apaisant me bercent. Il ne m’en faut pas plus pour sombrer dans une douce torpeur. Harassée de fatigue, j’ai le cœur léger en pensant à la bonne nuit de sommeil qui m’attend. Je finis par m’allonger dos au mur, enroulée dans mon manteau, avec mon sac en guise d’oreiller.

Après un long moment de silence, voici la suite d'Horizons avec l'ébauche d'un nouveau personnage : Ed.
Je n'ai pas chômé ces derniers temps : travaux irl, formation en web design, remise au goût du jour de mon portfolio, développement du site Horizons sur Wordpress (toujours en cours), et refonte totale du site de mon club de sport (bientôt en ligne !).
J'avais donc un peu délaissé le dessin et l'écriture, mais je m'y remets tout doucement !

mardi 24 septembre 2013

Juste pour dire...

... que non, je ne fais pas rien en ce moment !

Il y a quelques temps je m'interrogeais sur la nécessité (ou non) de faire un blog ou un site à part pour Horizons. Et bien c'est chose faite maintenant :


C'est tout beau (enfin j'espère), tout propre, compatible sur tous les navigateurs (à part IE qui fait de la résistance sur quelques points : pas d'angles arrondis, pas de fonds transparents, et quelques autres petites choses pas bien grave), et validé W3C.
Oui, tout ça ! Parce que j'apprends à faire des choses propres et aussi bien que possible.

Donc vous y trouverez les épisodes que j'ai déjà posté ici, plus quelques nouveaux que j'ai postés sur le forum des Jeunes Ecrivains, des fiches personnages, des fiches organisations, une chronologie et tout le bazar classique d'un site web.

Bien entendu, c'est par ici < que ça se passe pour le moment. 
Pour le moment, je n'ai pas de nom de domaine attitré, donc c'est hébergé là où j'ai un peu de place.

Et si vous avez des commentaires à faire sur le fond et/ou la forme, vous êtes toujours les bienvenus !

mercredi 28 août 2013

Horizons - Episode 8 revisité


- J’ai une question…, murmuré-je.
- Oui ?
- Que faites-vous ici ?

Je tourne la tête pour le regarder. Même si je lui donne tout juste la vingtaine, il a les traits d’un homme mature et réfléchi. Je suppose que, comme la plupart d’entre nous, de nombreuses épreuves l’ont marqué au fer rouge. Je le sens un peu sur ses gardes suite à ma question.

Il souffle sur les mèches qui lui balayent le front et se décide à me répondre :
- Nous tentons de survivre.

Son regard fuit le mien, je suis sûre qu’il y a autre chose.

- Sérieusement. Que faites-vous dans cette ville, armés comme vous l’êtes ? Répond-moi franchement.
- Eh bien...

Il jette un coup d'œil à Tim. Je sens qu’il hésite à me donner des explications :
- Ça ne va pas lui plaire, mais tant pis. Il n’a pas vu ce que moi j’ai vu, alors, contrairement à lui, je pense que nous pouvons avoir confiance en toi.

Après une courte pause, il se tourne à nouveau vers moi :
- En fait, nous sommes ici en patrouille. Nous... il y a une petite cité souterraine dans le coin et nous veillons à sa sécurité.
- Une cité souterraine ? Ici ?

C’était donc de ça dont il parlait un peu plus tôt. Voilà qui explique bien des choses. La flamme de l’espoir se ravive au fond de moi. Et si…

- Oui, des survivants de la ville ont trouvé refuge dans les réseaux de transports et les égouts, il y a près d’un an maintenant, continue Khenzo qui ne s’est pas aperçu de mon trouble. Ils les ont aménagés pour pouvoir y vivre. Dit comme ça, ça ne donne pas très envie d’y aller, mais, en vérité, c’est plus confortable que bien des endroits où j’ai vécu.
- Comment ont-ils fait pour échapper aux patrouilles du PPNG ? Ce n’est plus qu’une question de temps pour que la région tombe totalement sous le contrôle de Macrélois.
- Disons qu’ils ont trouvé un système de protection qui s’est avéré efficace jusqu’à présent. Mais je ne me fais pas d’illusions. Les forces du PPNG ne cessent de grossir. Tôt ou tard, ils devront soit se soumettre, soit partir.

Sa conclusion parait bien fataliste. Et pourtant, c’est une réalité. En territoire conquis, il n’y a pas trente-six solutions. Khenzo vient de citer deux d’entre elles. La troisième et dernière consiste à mourir. Le passé remonte à la surface une fois encore, mais je décide de m’intéresser un peu plus à l’homme qui m’a tendu la main aujourd’hui :
- Et toi, d’où viens-tu alors ?
- Moi ?

Khenzo me regarde avec un sourire que je n’arrive pas à interpréter, avant de poursuivre :
- Après la Rupture et la chute de Paris, je me suis retrouvé plus ou moins seul. J’ai pas mal vadrouillé dans le nord-ouest de la région, sans véritable accroche, et il y a presque neuf mois, j'ai rencontré Tim et son groupe. Depuis, nous voyageons ensemble. Et après avoir parcouru de nombreuses villes, nous avons atterrit ici. Ça fait deux mois que nous assurons la sécurité de la cité, en échange de quoi nous avons un endroit où dormir lorsque nous ne sommes pas chargés de patrouiller et nous avons droit à des rations hebdomadaires…
- Tu as perdu ta famille pendant la Rupture ? demandé-je après un long silence.
- Non… Ni pendant la guérilla parisienne. J'ai été élevé dans un CPEA.

J'assimile ce qu'il vient de me dire tout en enregistrant sa physionomie : grand, un mètre quatre-vingt-dix à vue d’œil, des cheveux bruns en bataille, des sourcils bien dessinés qui assombrissent de grands yeux noisette, une barbe de deux jours sur les joues, de larges épaules, une musculature que je devine puissante sous son blouson en cuir et son pantalon en toile. Il a un beau visage malgré des traits tirés par la fatigue et la faim. Son attitude calme et déterminée dégage quelque chose d’agréable. Sabrina l’aurait sûrement trouvé bel homme. Je souris tristement en repensant à ma meilleure amie et concentre mes pensées sur un sujet plus important : si les habitants ont réussi à se cacher du PPNG aussi longtemps, il y a peut-être un espoir… je dois m’y accrocher. Je n’ai pas le choix.

- C’est vraiment Tim qui dirige votre groupe ?
- Oui. Pourquoi cette question ? demande-t-il d’un air surpris.
- Ce n’est pas vraiment la sensation que j’ai eue tout à l’heure.
- Je te déconseille de lui tenir tête comme je l’ai fait, reprend-t-il sur un ton plus sec. Il serait capable de tuer.
- Qu’il essaye, je l’attends de pied ferme.
- Il n’essayera pas, il le fera.

Il paraît bien sûr de lui. La curiosité me pousse à poser quelques questions sur leur relation.

- Qui est-il exactement pour toi ?

Le jeune homme se détend un peu et lâche un soupir :

- Plus qu’un simple chef de groupe, c’est certain. Par moment, j’ai l’impression que je pourrai presque le considérer comme un père.
- Et lui te considère comme son fils ?
- Je ne sais pas trop. Peut-être. En tout cas, il ne laisserait personne d’autre lui parler sur ce ton. Tim aime avoir le contrôle de la situation et, d’après lui, les sentiments sont une entrave au bon exercice de sa fonction. C’est quelqu’un de bien, malgré son air d’ours des cavernes, et je sais que, s’il le fallait, il n’hésiterait pas à donner sa vie pour sauver l’un d’entre nous.

Cela ne m’étonnerait pas que Tim ait perdu un fils qui ressemble plus ou moins à Khenzo. Ça expliquerait son indulgence vis-à-vis du jeune homme, qui ne s’est pas gêné pour remettre en question son autorité, et ce devant tout le monde. J’observe discrètement les compagnons de mon interlocuteur. Même s’ils paraissent détendus, je surprends quelques regards soupçonneux à mon égard. Et je les comprends. Ils n’ont aucune garantie sur mes intentions, si ce n’est ma parole et celle de Khenzo qui a – je ne sais pas vraiment pourquoi – décidé de me faire confiance. C’est peu. Je ne peux pas en vouloir à Tim d’être méfiant.

L’homme assis à mes côtés est retourné dans son mutisme. Il fixe le sol entre ses pieds, perdu dans ses pensées. Camélia, quant à elle, s’est à nouveau assoupie, serrant le bras de son épaule blessée contre sa poitrine. De manière générale, elle et ses compagnons portent tous des vêtements usés, déchirés, rapiécés. Quelques pièces renforcées, en cuir rembourré ou en métal, protègent leurs genoux, leurs coudes ou leurs épaules. Par exemple, Camélia s’est confectionné de petites épaulettes en cuir et en fer maintenus par un système un peu bizarre, fait de sangles et de boucles. Malheureusement pour la jeune femme, la balle a trouvé une trajectoire évitant la protection pour aller se loger juste à côté du passage de la sangle.

J’examine un peu plus attentivement leur équipement : quelques fusils d’assaut dernier cri, un large panel de semi-automatiques de la gamme HK, des couteaux en veux-tu, en voilà… Je crois même distinguer des brouilleurs de trace thermique au pied d’un baril, mais ils ont l’air endommagés et inactifs. La patrouille du PPNG a sûrement dû déclencher une mini-bombe IEM pour détruire leur matériel. Ce serait bien leur genre.

Plus qu'à passer à un autre personnage d'Horizons !

lundi 19 août 2013

Horizons - Episode 7 revisité


Le rideau de fer a été tiré et un feu brûle vivement dans l’un des bidons, projetant des ombres mouvantes sur les murs. L’air reste âcre, malgré que quelques fenêtres aient été ouvertes pour que la fumée puisse s’échapper. Des barils en métal et quelques cagettes traînent ici et là, mais, en-dehors de ces quelques déchets abandonnés, l’endroit a été vidé de tout son contenu. Plus de la moitié des hommes de Tim se sont réunis autour du feu pour profiter de sa chaleur et discuter. Khenzo se tient en retrait, en compagnie de Camélia qui somnole à ses côtés. Mes deux gardes du corps patientent toujours au pied des escaliers, et Tim est adossé à un mur, surveillant tout ce beau monde. Je suppose que le reste du groupe patrouille dans les environs.

Les deux hommes me laissent passer, sans pour autant me quitter du regard. Je me dirige vers le fond, histoire de m’éloigner le plus possible des ondes hostiles. Camélia dort profondément. Elle transpire un peu moins, ce qui signifie sans doute que la fièvre a légèrement diminuée. Khenzo m’adresse un signe de tête en guise de remerciement. Je lui souris discrètement.

Tim choisit ce moment-là pour traverser le hangar d’un pas lourd et se planter devant moi, l’air furieux :

- Ce n’est pas parce que tu as soigné Camélia que tu dois te croire chez toi ici. Alors prend tes affaires et fous le camp !
- Ce n’est pas la gratitude qui t’étouffe toi !
- Ne fais pas ta maligne avec moi !

Le quinquagénaire m’attrape une nouvelle fois par le col de mon manteau et me colle contre le mur avec violence. Je lâche mon sac sous le coup. Un silence de mort accompagne sa chute. Tous les regards sont braqués sur nous à présent. Il colle son avant-bras sous ma gorge et se rapproche de mon visage. Une veine palpite furieusement le long de sa tempe. Si son regard avait été une arme, je crois que je ne serais déjà plus de ce monde. 

- Tu n’es pas la bienvenue ici. Alors, je ne te le dirais pas trois fois, prend tes affaires et barres-toi ! 
- Je ne suis pas là pour…
- J’en ai rien à foutre ! Ferme-la ! Je t’ai dit de te casser !

Tim resserre son étreinte. Khenzo décide d’intervenir pour nous séparer. Son chef rechigne à me lâcher, si bien que le jeune homme est obligé de l’empoigner de force pour l’éloigner. À se demander qui est vraiment le patron ici. Tout le monde semble craindre Tim et respecter ses décisions, sauf Khenzo. Pourquoi un tel traitement de faveur ?

- Tu fais chier Tim. Elle a sauvé la peau de Camélia et c’est comme ça que tu la remercies ?
- J’aime pas cette gonzesse. Elle va nous attirer des ennuis, je le sens, cracha-t-il en pointant un index accusateur dans ma direction.

Lui et moi, on n’est décidément pas fait pour s’entendre.

- Arrête ta paranoïa. Elle restera ici aujourd’hui, si elle le souhaite. La nuit a été rude pour tout le monde. Alors n’en rajoute pas.
- Non… je…
- Arrête, je te dis !

Khenzo repousse Tim vers le feu et lui fait signe de s’asseoir.

- Les Balayeurs ne sont pas encore venus ramasser les cadavres. Tu veux qu’elle se fasse prendre ? Tu veux qu’ils remontent jusqu’à nous ? Jusqu’à eux ?! (Tim baisse la tête). Si tu veux jouer à ça, on va tous y rester. Alors arrête de nous faire chier.
- Tu m’emmerdes, répond son chef d’un ton cassant.
- Je sais.
- Ce n’est pas à toi de prendre ce genre de décision.
- Certes.

Tim et Khenzo continuent de se disputer quelques minutes pour statuer sur mon sort. Les autres se tiennent à bonne distance des deux hommes, attendant qu’ils prennent une décision. Au premier abord, il me semblait que c’était l’aîné du groupe qui dirigeait tout ce beau monde, mais après ce que je viens de voir, la question se pose. Tim finit par rendre les armes, s’inclinant devant les nombreux arguments de son cadet. Vexé, il se laisse choir sur une cagette.

- Tu sais gamin, mon flair me trompe rarement, conclue-t-il en posant son index sur son nez. Cette fille ne nous apportera rien de bon, je le sais.
- On en reparlera quand tu te seras reposé. Tu auras peut-être les idées plus claires.

C’est presque comique de voir le doyen du groupe se faire rabrouer de la sorte, et je me retiens de ne pas esquisser un sourire. Son regard de braise m’en dissuade et, les bras croisés sur sa poitrine, il continue de fulminer à voix basse.

Khenzo se passe une main dans les cheveux d’un air désabusé, puis revient vers moi. Je n’ai pas bougé, attendant de voir comment les choses allaient tourner. Il s’arrête à mon niveau et me dévisage quelques minutes en silence.

Je finis par prendre la parole :
- Ecoute, j’ai mieux à faire que de m’embrouiller avec un vieillard, alors je vais ramasser mon sac et m’en aller. Ce sera plus simple comme ça.
- Non, je ne pense pas. Les Balayeurs devraient être sur place dans moins d’un quart d’heure. Ça ne te laissera pas assez de temps pour partir d’ici.
- J’en ai vu d’autres, ne t’en fais pas. Je saurais les gérer et les détourner de cet endroit, affirmé-je avec aplomb.
- Il est hors de question de courir ce risque, déclare-t-il d'un ton tranchant. Et puis vu ta tête, une journée de sommeil ne te ferait pas de mal. Ici tu ne risqueras rien, je te le promets.

Je jette un coup d’œil à Tim qui nous épie derrière son air renfrogné. Sans risque, vraiment ?

- Il ne faut pas lui en vouloir, reprend Khenzo qui a suivi mon regard. Tim est un bon chef d’escouade, mais ces derniers jours ont été un peu éprouvant.
- Sans doute.

Ma tête roule en arrière et je me laisse glisser contre le mur pour m’asseoir. Il a raison. Je ne peux pas refuser son offre ; je suis trop fatiguée pour cracher sur quelques heures de sommeil. Les Balayeurs n’excellent pas dans l’art du combat, mais, vu mon état, je risque de ne pas réussir à tenir tête face à une de leurs unités. D’autant plus qu’avec vingt cadavres à ramasser, ça va en faire du monde dans le coin. Je n’ai pas souvent l’occasion de pouvoir souffler de cette manière, autant profiter de celle-là.

Je pose mon front sur mes genoux et passe mes mains dans les cheveux. Ils sont encore humides le long de ma nuque. Je frissonne. La fatigue accumulée me rattrape au galop. Il n’y pas si longtemps que ça, j’étais encore sur les bancs de l’école, réfléchissant aux différents concours que je voulais tenter. À ce moment-là, ce n’est pas vraiment de cette manière que j’imaginais mon avenir. Non. Putain de vie de merde ! Je soupire et jette un œil en direction de Camélia. Réveillée, la jeune femme s’est redressée sur la paillasse et me regarde avec curiosité, les yeux encore rouge de fièvre.

- Comment tu t’appelles ? demande-t-elle, doucement, pour ne pas attiser davantage la colère de Tim.
- Xalyah. Comment te sens-tu ?
- Ça… ça va… Merci. 
- Ne me remercie pas. Tu en aurais fait autant à ma place.

Elle lève un sourcil perplexe. Je ne sais pas comment je dois prendre cette réaction. Khenzo, qui s’était éclipsé, s’agenouille devant Camélia, un thermos en inox dans une main et une pile de timbales en fer dans l’autre.

- Tu veux un peu de café ?
- Je veux bien, lui répond sa compagne.

Il l’aide à s’asseoir et lui sert une tasse d’un liquide noir, bouillant. La jeune femme croise les jambes et tourne la tête vers le corps inerte du défunt Samuel. Ses mains tremblent et ses épaules se crispent sous les sanglots silencieux qui l’étreignent. Je lui aurais bien dit de se rallonger et de rester tranquille, mais je ne me sens pas le courage d’interrompre ses pleurs.

Après avoir fait le tour de ses compagnons – y compris Tim qui boude toujours – Khenzo s’arrête à ma hauteur pour me tendre sa dernière timbale.

- Tu n’en veux pas ?
- J’aurais l’occasion d’en boire plus tard. Prend-la, insiste-t-il en me la mettant de force dans les mains.
- Merci.

Il hoche la tête et s’assoit à son tour à mes côtés. Son regard s’attarde un instant sur Camélia qui pleure toujours en silence. Sa mâchoire se contracte et ses traits se durcissent. Il semble absorbé par d’intenses réflexions que je n’ose pas troubler. Rien de ce que je pourrai dire ne leur ramènera leur camarade. 

- J’espère que tu ne lui en tiendras pas trop rigueur, finit-il par dire. Il a été un peu brutal, mais comme tu as pu l’entendre, nous avons perdu trois des nôtres récemment. Je pense que tout ça le touche plus qu’il ne veut l’avouer.
- Trois ? Mais il n’y a qu’un…
- Un affrontement avec une patrouille du PPNG qui a mal tourné, il y a quelques jours, me coupe-t-il d’un air sombre. Ils sont de plus en plus nombreux dans le secteur. Nous avons réussi à nous replier, mais Dan et Julie y sont restés.
- J’en suis désolée…

Le silence retombe entre nous. Malgré tout, Khenzo ne semble pas disposer à me fausser compagnie. Près du feu, sous l’ordre de Tim, deux personnes se lèvent, puis sortent du hangar par une porte dérobée vers le fond de la grande pièce. Je suppose qu’ils vont entamer leur quart pour surveiller la zone et s’assurer que les Balayeurs ne viennent pas trop fouiner par ici. S’il n’y avait pas ce corps criblé de balles à quelques mètres, le calme apparent et le crépitement des flammes contre les parois rouillées du baril me rappelleraient presque des temps meilleurs. Je ferme les yeux quelques instants.

Aller, c'est parti pour un nouveau personnage !

vendredi 16 août 2013

Horizons - Episode 6 revisité


J’emboîte le pas à Khenzo, qui m’emmène vers le fond du hangar. Un homme est allongé, les bras le long du corps, la poitrine criblée de balles. Son visage est couvert par son foulard, masquant ses traits et sa chevelure. Non loin de lui, une jeune femme aux cheveux blonds, parsemés de mèches turquoise, est adossée au mur sur une paillasse, le côté gauche entièrement recouvert de sang. Son t-shirt a été découpé au niveau de l’épaule et un bandage sommaire, réalisé à l’aide de bandes de tissu déchirées, essaye de contenir le liquide rougeâtre qui s’écoule de la plaie. À ce rythme, elle est condamnée si on ne fait rien. Dans la pénombre, je m’agenouille près d’elle. Ses traits sont livides, ses yeux, rivés sur le cadavre, emplis d’une profonde tristesse. Elle souffre en silence, essayant de se concentrer sur sa respiration pour calmer son angoisse. Une odeur de fer et de sueur m’agresse les narines. Je déglutis et tente de rester impassible.

- Qui es-tu ? me demande-t-elle dans un souffle saccadé.
- Garde tes forces. On fera connaissance plus tard.

J’ouvre mon sac et tends une lampe torche à Khenzo pour qu’il me fasse un peu de lumière. Ce dernier prend place de l’autre côté de Camélia, posant une main rassurante sur son front. Dans ma trousse de premiers soins, que je me suis constituée au fil du temps, je prends un flacon et du coton. Avant toute chose, il faut désinfecter la plaie. Je relève les manches de mon manteau avant d’écarter le bandage pour observer la blessure : le sang ne coule pas à gros bouillon, je suppose donc que l’artère principale n’a pas été touchée.

Je me désinfecte les mains, puis, avec soin, je nettoie la chair endommagée, arrachant des grimaces de douleur à la jeune femme. L’écoulement de sang s’est presque tari lorsque Khenzo lève la torche au-dessus de l’orifice. La balle est bien logée au fond, et son extraction ne sera pas facile. Je fouille à nouveau dans ma trousse et sors une pince que je désinfecte à son tour. Camélia s’agite. Son pouls s’accélère et la sueur perle sur ses tempes.

- Tout va bien se passer, lui dis-je d’une voix douce. Compte jusqu’à trente.
- Pardon ?

Malgré la douleur, elle trouve la force de prendre un air surpris.

- Discute pas et compte.

Elle regarde Khenzo, qui hoche la tête.

- Un, deux…

Après une seconde d’hésitation, j’enfonce la pince dans la plaie à la recherche de la balle. Camélia se contracte et laisse échapper un gémissement.

- Ne t’arrête pas de compter ! Allez !
- Trois… qua… quatre… cinq…

Camélia serre la main du jeune homme. Ce dernier me dévisage curieusement. Les mains légèrement tremblantes, je continue de fouiller la plaie, sous le regard inquiet de Khenzo qui m’éclaire au mieux. Le sang se remet à couler, me gênant pour attraper le projectile. La jeune femme serre les dents et accuse la douleur. Je dois me dépêcher. À dix, je manque ma première tentative. Putain de merde. Camélia me regarde d’un air désespéré alors que je triture un peu plus sa blessure.

- Dou… douze… treize… qua…quatorze…

À dix-huit, mes mains cessent de trembler et j’arrive enfin à agripper la balle. Je la retire d’un coup sec. Camélia blêmit et perd connaissance. Tant mieux ; dans les vapes, elle ne souffrira pas. Satisfaite, j’esquisse un sourire discret, puis j’imbibe un linge propre de désinfectant et nettoie la plaie à nouveau. Ensuite, j’attrape une compresse et des bandages pour lui entourer minutieusement l’épaule. Khenzo prend le comprimé que je lui tends.

- Fais lui avaler ça quand elle reprendra connaissance. Elle supportera mieux la douleur et ça fera tomber la fièvre.
- Merci…
- Y’a pas de quoi. Mais il lui faudra de vrais soins, pour être totalement tirée d’affaire.

Khenzo hoche la tête. En me relevant, je m’aperçois que tout le groupe a les yeux rivés sur nous. Certains me regardent avec méfiance, d’autres avec curiosité. Tim, lui, empeste la haine à plein nez. La diplomatie n’a pas l’air de faire partie des qualités de cet homme. C’est peut-être ça qui les maintient tous en vie. Il n’y a pas de place pour ceux qu’il ne choisit pas lui-même, assurant d’une certaine façon la cohésion du groupe. Et j’ai certainement dû lui faire une mauvaise impression en les espionnant tout à l’heure. Ceci dit, à ma place, il aurait agi de même. Et à la sienne, j’en aurais fait autant également…

- Est-ce qu’il y a un endroit où je pourrais me décrasser ?
- Oui, bien sûr, répond Khenzo alors qu’il tire une fine couverture sur Camélia. Tu montes l'escalier que tu vois là-bas et au fond du bureau, il y a une ancienne salle de bain. Il y a de l’eau, mais elle n’est pas potable.

Je traverse le hangar sous le regard attentif de Tim, qui fait signe à deux de ses compagnons de me suivre. L’un d’eux me barre le chemin.

- Tes armes.

Son ton sec ne laisse aucune place à la négociation. Mon regard balaye le hangar, faisant l’inventaire de leur armement. Je ne suis pas en position de force, ici. Je n’ai pas vraiment le choix pour le moment. Il récupère donc mon fusil d’assaut, mon semi-automatique et mes deux couteaux, puis me laisse passer. Je grimpe les marches quatre à quatre, tandis que les deux hommes se postent au pied des escaliers. La pièce est petite et sale, mais on sent qu’elle est souvent occupée. Quelques magazines, datant d’avant la Rupture, jonchent le bureau poussé dans un coin. Il semble qu’on les ait feuilletés récemment, car aucune poussière ne les recouvre. Un cendrier fraîchement rempli repose sur une étagère, et quelques sacs traînent à côté d’une chaise. Je ne prends pas le risque de regarder à l’intérieur, refrénant mon insatiable curiosité. 

Au fond, la salle de bain est aussi lugubre que le bureau. Les carreaux grisâtres sont en partie défoncés et les joints ont pris une couleur noire, dégoulinants de crasse. La douche à l’italienne spacieuse et le receveur semblent en meilleur état que le reste de la pièce, en-dehors de la vitre, rayée et fendue à de nombreux endroits. Mais je ne vais pas m’en plaindre. Même si ce secteur n’est pas encore sous l’emprise de Macrélois, les points d’eau sont difficiles à trouver depuis qu’il a lancé une vaste opération consistant à réduire l’accès à l’eau courante à la population. Avant toute chose, je me dirige vers le lavabo, pour enlever le sang de Camélia qui recouvre mes mains. Puis je remplis mes gourdes vides, en glissant une pastille effervescente dans chacune d’elles. D’ici une heure, l’eau deviendra potable. Je referme le sachet, en me disant qu’il serait grand temps que je me trouve un fournisseur ; il ne m’en reste plus qu’une vingtaine et ça risque de vite devenir problématique.

Une fois la dernière gourde rangée dans mon sac, je me campe devant le miroir. D’une main, je décrasse la surface lisse pour y observer mon reflet. Les paroles de Tim me reviennent en mémoire : « Quel âge as-tu ? Trente ans ? ». J’esquisse un sourire. Ah, s’il savait… C’est vrai que, depuis la Rupture, j’ai vu et vécu bien des choses. Certaines que j’aurais préférées ignorer. En deux ans, j’ai eu le temps de me forger un masque. Sûre de moi. Fière et forte. Impassible aussi. En toute circonstance. Je soupire, lasse de ce quotidien qui me semble sans lendemain. Il y a des jours où le moral est en berne. Aujourd’hui fait partie de ceux-là. Demain, ça ira mieux. La liberté est incompatible avec la faiblesse. Papa et ses proverbes… Mais celui-là, j’y crois dur comme fer.

J’approche un peu plus mon visage du miroir, jusqu’à ce que mon nez touche la surface froide. J’ai les mêmes yeux gris-vert que ma mère. D’après elle, un héritage qui se transmet de mère en fille. Elle aimait dire que les miens étaient les plus beaux de la famille. Sacrée maman. Si fière de sa progéniture. Ça m’agaçait, avant. Mais maintenant, j’aimerais bien entendre à nouveau sa voix douce, faite pour les compliments. Mes cheveux, quant à eux, ressemblent à un grand champ de bataille. Poussiéreux, ils ont pris une teinte blanchâtre. Et mes traits, tirés et creusés par la faim et la fatigue, renforcent un peu plus l’illusion des années supplémentaires. Une bonne douche me redonnera un peu de vitalité.

Avec des gestes lents, je retire mes vêtements et mon bandage, avant de me glisser sous un jet puissant. L’eau est froide et me donne la chair de poule. D’autres souvenirs déplaisants resurgissent, mais je les balaye d’une main, me frictionnant avec énergie. L’eau, grisâtre, s’écoule difficilement par l’évacuation. Il me faut bien vingt minutes pour nettoyer la poussière et la sueur qui me collent à la peau. La plaie sur ma cuisse me tire encore, mais d’ici quelques jours, ça devrait rentrer dans l’ordre. Une fois propre, je me sèche rapidement avec une petite serviette éponge pour passer des vêtements de rechange : un pantalon marron, un t-shirt blanc, et mes fidèles bottines, qui ont partagé toutes mes galères. J’enfile un veston court, puis entreprends de laver mes autres vêtements. Mon short gris a subi quelques accros lors de mes récents exercices d’endurance, qu’il va falloir que je répare. Le reste a l’air en bon état. Après avoir essoré mes habits, j’endosse mon manteau et rassemble mes affaires. J’inspire un grand coup, prête à retourner dans la grande pièce du hangar.

Pendant les vacances, je papillonne. Et j'aime bien.
Je n'ai donc pas avancé sur Horizons, mais sur l'univers de Louve. M'enfin, j'avais encore quelques illustrations en réserve !

vendredi 12 juillet 2013

Horizons - Episode 5 revisité


Sans attendre davantage, il revient sur ses pas en courant et se dirige vers les coups de feu. Mon instinct me dit de le suivre. Ma raison me dit de me détourner et de continuer mon chemin. Ce ne sont pas mes affaires. J’hésite. Si ses amis sont en mauvaise posture, il ne pourra rien faire seul. D’un autre côté, mon combat est ailleurs. Putain de conscience de merde ! Pourquoi faut-il qu’elle m’emmerde maintenant ? Chaque instant est précieux, et j’ai perdu suffisamment de temps avec mes conneries comme ça !

À contrecœur, je m’élance à sa suite, le talonnant de près. De nouvelles détonations brisent le silence. Certaines proviennent de pistolets, d’autres de mitraillettes. Je crois même deviner quelques explosions de grenade dans le lot. Quoiqu’il en soit, l’affrontement semble brutal. Au bout de quelques minutes, le calme revient au-dessus des ruines de béton et de métal. Khenzo accélère le rythme et je l’imite pour rester à sa hauteur. Apparemment, il fait partie des bons coureurs. Jamais je n’aurais pu le distancer.

Je peine à courir et manipuler le détecteur en même temps. De ce que j’en vois, le nombre de points rouges lumineux a diminué de moitié. Je ne sais pas si c’est bon signe…

Après un bon quart d’heure de course intense, Khenzo s’arrête tout d’un coup dans une petite ruelle. Elle fait l’angle du bâtiment depuis lequel je l’observais, lui et son groupe, un peu plus tôt dans la nuit. Je manque de lui rentrer dedans et étouffe un juron. Il m’attrape par l’épaule et me plaque brutalement en arrière contre le mur. Compris cinq sur cinq. Je la ferme.

Le jeune homme jette un œil dans la rue principale, puis il me fait signe d’avancer avec prudence. Par précaution, j’enlève le cran de sûreté de mon Wallgon-X que je viens de dégainer. Il me reste six balles dans le chargeur. Je plonge une main dans mon sac et attrape un second chargeur pour les échanger. Khenzo sors un semi-automatique – un Desert Eagle HF10 si je ne m’abuse – de sous sa veste, prêt à faire feu si nécessaire.

Nous traversons rapidement la rue, puis nous nous plaquons contre le renfoncement d’un mur. Il me fait comprendre de rester vigilante, et je hoche la tête. Il pourra compter sur moi, pour cette fois. Je le suis en couvrant ses arrières et nous longeons le mur, jusqu’à ce que nous atteignions le grand rideau de fer devant lequel son groupe se tenait tout à l’heure. Alors qu’il s’apprête à me demander de l’aide pour le soulever, le rideau s’ouvre. D’un même mouvement nous pointons nos armes vers l’intérieur, distinguant vaguement des silhouettes dans l’ombre. Une demi-douzaine de voix, dont la mienne et celle de Khenzo, s’élève, ordonnant à chacun de ne pas bouger et de baisser son arme.

Puis, le silence.

Khenzo range son semi-automatique. L’aîné de son groupe s’avance alors vers la lumière du jour pour prendre son compagnon dans les bras. Ils s’échangent quelques claques dans le dos, bien contents d’être toujours en vie. Je baisse mon Wallgon-X et remets le cran de sureté avant de le ranger dans son holster.

- Que s’est-il passé ? demande Khenzo.

L’homme doit approcher la cinquantaine d’années. Ses cheveux sont grisonnants sur les tempes et ses traits marqués par le temps. Il fronce des sourcils et se gratte la tête, l’air sombre, tandis que les autres membres du groupe s’avancent à leur tour en me jetant des regards peu amicaux. Leurs vêtements sont poussiéreux, leur visage couvert de sueur et de sang. Le combat a été rude.

- On est tombé nez à nez sur une patrouille du PPNG en revenant ici.
- Il y a eu de la casse ?

Le chef du groupe jette un regard vers le fond du hangar.

- En face, ils ont eu leur compte, mais Samuel y est resté, et Camélia s’est pris une balle dans l’épaule. 
- Samuel… fait chier, putain ! jure Khenzo.

Les visages des hommes qui m’entourent se décomposent à l’évocation de leur camarade.

- La patrouille a détruit une bonne partie de notre matériel et de nos réserves en nous balançant des grenades, continue le quinquagénaire. On n’a plus rien pour extraire la balle ou désinfecter la plaie de Camélia. Elle a déjà perdu beaucoup de sang, j’ai peur qu’elle y passe avant qu’on ait pu atteindre la cité.

La cité ? De quoi parle-t-il ? Jusque-là, j’avais conservé mes distances, écoutant attentivement leur discussion. Mais à ces mots, je m’approche de Khenzo, gardant mes mains loin de mes armes et bien visibles de tous.

- J’ai de quoi assurer les premiers soins pour votre blessée.

L’aîné du groupe se tourne vers moi et m’attrape par le col de mon manteau. Son visage est à quelques centimètres du mien. S’ils n’étaient pas aussi nombreux à l’accompagner, je pense que je lui aurai donné un bon coup de boule. Histoire de calmer ses ardeurs. Mais objectivement, ce n’est pas une très bonne idée. Le vieux est costaud et, en dehors de Khenzo, les membres du groupe n’ont pas l’air plus disposé à mon égard.

- T’es qui toi ?! siffle-t-il.
- Moi c’est Xalyah.

Ma voix est froide et autoritaire. Je n’aime pas les gens qui envahissent mon espace vitale. Encore moins ceux qui me menacent. L’homme me toise et je soutiens son regard. La tension monte d’un cran et quelques mains se hasardent à toucher la crosse d’un pistolet, prêtes à dégainer et tirer s’il le faut. Ma vie est entre ses mains et malgré tout il ne m’impressionne pas. Des types arrogants comme lui, j’en ai croisé des tas, et ce ne sont pas les pires. Il finit par me lâcher pour me tourner autour.

- C’était bien toi dans la banque ? C’est toi qui as ameuté ces connards par ici ?!
- Tim arrête, t’es ridicule là.
- J’en ai rien à foutre Khenzo. Qui te dit que cette gonzesse n’est pas en train d’informer le PPNG ou l’OPPI de notre position et de nos forces ?

La moutarde me monte un peu au nez :

- Sérieusement ? raillé-je. J’ai vraiment une tête à être des leurs ?
- À toi de me le dire.

Je prends sur moi pour conserver mon calme, mais ce n’est pas l’envie de lui foutre mon poing dans la tronche qui me manque. Après tout ce que j’ai enduré, je préférerais mourir plutôt que de les servir ! J’expire la rage qui monte en moi et reprends mon sang froid. Ça ne sert à rien de tenir tête si c’est pour finir six pieds sous terre. Je décide de prendre une attitude moins agressive et plus neutre, histoire de décrisper la situation.

- Pour répondre à ta première question : oui, c’était bien moi dans la banque. Et non, je n’ai ameuté personne ici. Tu sais très bien quel sort ils réservent aux femmes…

Je réajuste le col de mon manteau. Les mains s’éloignent légèrement des crosses. J’attends sa prochaine question :

- Que veux-tu ?
- Rien. J'étais juste curieuse de savoir à quelle organisation votre groupe appartenait.
- Nous n’appartenons à personne ! s’emporte-t-il. Nous sommes libres de...
- Oui, j’avais remarqué.

Je n’aurais pas dû le couper de cette façon, mais ce type me tape sur les nerfs. Il me pousse contre le mur du hangar pour me dominer de toute sa taille. Quelques hommes ont dégainé leur arme et me tiennent en joue.

- Quel âge as-tu ? Trente ans ? Tu ne m’impressionnes pas. J'en ai au moins vingt de plus que toi et je ne ferai qu'une bouchée de toi.
- Des menaces ?

Je ne peux pas m’empêcher de lui tenir tête. C’est plus fort que moi.

- Allez, ça suffit vos conneries ! (Khenzo attrape Tim par le bras et le force à reculer, puis il intime à ses compagnons de baisser leurs armes). On a plus important à faire que de régler un problème d’ego entre vous. Xalyah m’a aidé à abattre des soldats du PPNG, alors je pense qu’on peut la considérer comme étant de notre côté, dit-il à l’attention de son chef. 
- Comment peux-tu être si sûr qu’elle ne représente aucun danger pour nous tous ?
- Tu parierais la vie de Camélia là-dessus ? On a déjà perdu trois des nôtres, je te rappelle !

Tim pousse un grognement et tourne le dos à son interlocuteur. Il n’a pas tellement le choix. 

- Ah ! D’accord ! Qu’elle aille s’occuper de Camélia. Mais je ne te lâcherai pas d’un pouce, rajoute-t-il en dardant son regard de feu sur moi. Un pas de travers et tu es morte.

Au moins ça a le mérite d’être clair.

Allez, je me suis motivée pour réinstaller les pilotes de ma tablette, alors, ça y est, Tim est enfin terminé !

lundi 10 juin 2013

Horizons - Episode 4 revisité


Je n’ai pas eu le temps de parcourir la moitié de la distance qui me sépare de ce carrefour que l’homme m’a rattrapée et se jette sur moi. Nous roulons à nouveau au sol et j’arrive à prendre le dessus en m’asseyant sur lui. Malgré l’obscurité, il dévie sans difficulté mon crochet du droit visant sa mâchoire et me repousse sur le côté pour se relever d’un bond. Il m’attrape sans ménagement par les épaules pour me remettre debout et me plaque contre le mur le plus proche. Grand et bien bâti, il me dépasse d’une bonne tête et demie. Sa main large et calleuse trouve ma gorge et son manteau en cuir grince légèrement tandis qu’il me soulève du sol. Pour la première fois, je croise son regard. Sombres, ses yeux ne transpirent ni la cruauté, ni la violence. Juste de la colère et une once d’anxiété. Je lâche la sangle de mon sac, pour attraper son poignet et soulager la pression qu’il exerce sur ma gorge. Mes pieds sont à quelques centimètres du sol et je commence à manquer d’air. Si je n’envisage pas une solution radicale, je suis fichue. Mais je vais lui donner une chance.

- Qu’est-ce que tu nous veux ?!

Il a le souffle court et rauque. Le coup que je lui ai donné dans les côtes continue de l’incommoder. Je tente de répondre mais ses doigts se resserrent. Il donne un coup de poing dans le mur, à quelques centimètres de mon visage.

- Tu travailles pour qui ? Répond !

Il relâche légèrement son étreinte, et mes pieds touchent à nouveau le sol. L’air s’engouffre dans mes poumons et je manque de m’étrangler pour de bon. Reprenant mon souffle et, par la même occasion, mes esprit, mon regard quitte le sien pour balayer les environs à la recherche d’une solution qui ne serait fatale pour personne. L’aube approche et l’obscurité se dissipe peu à peu. Un mouvement attire mon attention en direction du carrefour. Je plisse les yeux pour me concentrer sur les silhouettes qui se détachent dans la rue. Cette fois, pas de doute, c’est bien une patrouille du PPNG qui s’approche de nous. Pas cadencés. Uniformes tirés aux quatre épingles. Armes étincelantes. Grâce à la pénombre, ils ne nous ont pas encore vus, mais ce n’est qu’une question de temps avant qu’ils se rendent compte de notre présence. Paniquée, je fais signe à l’homme qui me tient toujours par les épaules de regarder derrière lui. Intrigué par mon agitation, il jette un regard par-dessus son épaule. Sa poigne s’affermit un peu plus encore. Lentement, il se retourne vers moi.

- Tu es avec eux ? murmure-t-il d’un ton menaçant.

Je fronce les sourcils. Il se fout de moi ? Comme il attend toujours une réponse de ma part, je fais signe de la tête que non. Il baisse les yeux sur mon semi-automatique, à moitié caché par mon manteau et rangé dans son holster sur ma cuisse droite.

- Pourquoi tu n’as pas essayé de me tirer dessus ?

Je peux sentir l’intensité de sa fureur. Visiblement, il n’est pas pote avec le PPNG. Et c’est peut-être ce qui va nous sauver. Mes yeux descendent sur la bosse de son blouson. 

- Je pourrai te retourner la question.
- Une intuition, grogne-t-il.
- Alors, il faut croire que nous avons eu la même intuition.

Il hoche la tête, dardant son regard noir sur moi. Je sais qu’il pèse le pour et le contre. À deux, nous multiplions nos chances de survie face à la patrouille. Mais qu’est-ce qui m’empêcherai de l’abattre ensuite ? Lentement, je lève les mains en l’air, en signe de paix. 

- Tout ce que j’ai pour te convaincre, c’est ma parole. Ces ordures ne sont pas avec moi.

Il me dévisage intensément, puis, après quelques hésitations, il finit par me libérer de son emprise. À croire que ce qu’il a vu en moi était suffisant. L’homme s’écarte légèrement, détache la lanière de son holster et sors son arme.

- Tu prendras les cinq à gauche et moi les cinq autres à droite, murmure-t-il. Compris ?!

Je fais signe de la tête que oui.

- Vous là ! crie l'un des soldats qui nous a enfin repérés. Montrez vos mains ! 

Les autres braquent leur lampe torche dans notre direction et nous mettent en joue, avançant avec prudence. Si nous ne voulons pas bientôt ressembler à deux passoires, il va falloir rapidement passer à l’action. Et nous n’aurons pas le droit à l’erreur.

- À combien de mètres sont-ils ? demande à nouveau l’homme, qui tourne toujours le dos à la patrouille.

Je me décale un peu pour apercevoir les dix soldats armés jusqu’aux dents qui se rapprochent de plus en plus. Ils portent tous un équipement à l’épreuve des balles incluant un casque.

Celui qui nous a déjà interpellés réitère sa question :
- Je ne le répéterai pas une troisième fois ! ajoute-t-il d’une voix puissante et menaçante.
- Ils sont à trente mètres environ. Il va falloir leur tirer dans le cou ou le visage, si on veut les tuer. Nos balles ne passeront pas leur casque et leur plastron.
- Bien. Tu es bonne tireuse ?
- Je me débrouille.
- Alors… maintenant !

Tout en me jetant sur la gauche pour me mettre à couvert, je dégaine mon Wallgon-X et tire sur les cinq hommes à gauche qui répliquent sans prendre le temps de viser. Toutes mes balles font mouche. Et avant même de comprendre ce qu’il leur arrive, les cinq hommes se retrouvent à terre. Headshot, comme on dit. Papa, tu serais fière de moi, pensé-je amèrement. De son côté, mon compagnon de fortune éprouve plus de mal à abattre ses cibles. Deux hommes gisent au sol ; l’un d’eux semble inerte et l’autre se contorsionne de douleur en hurlant. Les trois derniers se sont réfugiés derrière une carcasse déglinguée de voiture et tirent par-dessus à l’aveugle. Trop occupés à s’acharner sur mon acolyte, ils m’ont carrément oublié. Je crois bien qu’on a affaire à des bleus. Une chance pour nous.

Je rampe entre deux tas de gravats avant de m’accroupir. Il ne m’ont toujours pas vue. Rapidement, je courre me planquer derrière un panneau de publicité pour les contourner. Là, je reprends mon souffle pour me calmer. Mes deux mains tremblent sur mon arme, et j’ai les jambes en coton. Une bourrasque de vent fait rouler un sac poubelle éventré vers moi. L’odeur du cadavre d’un rat en décomposition qui dépasse des déchets me prend aux tripes. C’est immonde. Je remonte mon foulard sur mon nez, avant de m’accroupir pour jeter un œil sur le côté. Les trois hommes continuent de vider leur chargeur sur le mur d’en face. Vachement utile, pensé-je, sarcastique. Et il n’y en a même pas un pour couvrir leur position ! Mes mains ont cessé de trembler, ma respiration est lente et profonde. Je peux repasser à l’action. Je me décale d’un pas, vise et tire. Trois tirs parfaits qui achèvent l’unité du PPNG. Mes oreilles bourdonnent légèrement, avant de se réhabituer au silence de la mort. Des bleus. C’est tout ce qu’ils étaient. 

L’homme avec qui je me battais, il y a quelques instants à peine, se relève et pointe son arme dans ma direction, prêt à tirer. Si j’avais voulu le tuer se serait déjà fait. Il le sait. Alors, il range son arme sous sa veste, puis me rejoint aux côtés des corps inertes, l’air déconcerté. La colère a disparu de ses yeux et, toujours un peu perplexe, il se passe une main dans les cheveux. Nous allons peut-être pouvoir repartir sur de bonnes bases. En admettant que la mort de ces dix hommes soit une bonne base…

- Pourquoi tu ne m’as pas tué ? Et qu’est-ce que tu faisais à nous surveiller ? demande-t-il à nouveau sans détours.

J’époussette mon manteau et me dirige vers mon sac. Mais l’homme m’attrape le poignet pour me forcer à le regarder. Je me dégage sèchement et récupère mes affaires avant de revenir auprès des cadavres, tout en vérifiant l’écran du détecteur de chaleur. Les dix points rouges ne vont pas tarder à s’éteindre les uns après les autres. Si j’avais le temps, je leur donnerais une sépulture décente… comme aux autres. C’était des êtres humains après tout. Mais connaissant leurs procédures, cela n’allait pas être possible. Au moins, ils n’auront pas le temps de pourrir à l’air libre comme ce rat.

- Si cette patrouille n’était pas passée par ici, tu serais mort.
- Tu sembles bien sûre de toi, réplique-t-il froidement en s’agenouillant auprès des soldats.
- Quant à tout à l’heure, j’étais juste curieuse. Et visiblement ça ne me réussis pas vraiment, rajouté-je plus pour moi-même que pour mon interlocuteur.

L’autre ne réagit pas, trop occupé à fouiller les poches des morts pour récupérer ce qui pourrait lui être utile. J’ai toujours du mal à me faire à cette pratique, mais les temps sont durs, et ce n’est pas moi qui le blâmerais. Je sors mon Mémo et lui demande de me calculer un nouvel itinéraire pour la journée.

- Je te conseille de ne pas trop trainer dans les parages, une autre patrouille va bientôt débarquer pour voir ce qu’il est advenu de celle-là, lui dis-je doucement en rangeant l’appareil dans mon sac.

L’homme hoche la tête.

- Je sais. Qui es-tu ? me demande-t-il brusquement en se relevant.
- Qu’est-ce que ça peut te faire ?

Je lève les yeux vers le ciel. L’aube pointe enfin le bout de son nez à l’horizon, propageant une lueur rougeâtre au-dessus des carcasses des buildings et des maisons noyées sous les débris. Le spectacle de la déchéance humaine qui s’offre à nous a quelque chose de grandiose. Et d’effrayant.

L’homme se plante devant moi. Je le dévisage. De par sa carrure et sa voix grave, je pensais qu’il était plus âgé, mais en réalité il doit avoir une vingtaine d’année. La faim et la fatigue nous changent tous.

- Comment tu t'appelles ? insiste-t-il.

Je soupire et malgré moi je lui réponds :
- Xalyah.
- Pardon ?
- Xalyah... c'est mon prénom.
- Khenzo.

Il me tend la main, mais je ne réagis pas. J’ai de nouveau les yeux rivés sur le détecteur de chaleur et ce que je vois n’est pas franchement réjouissant. Visiblement, le groupe du jeune homme, qui me tend toujours la main, est retourné sur ses pas et ils ne sont pas seuls. De nouveaux points rouges lumineux s’agitent un peu partout sur l’écran. Je fronce les sourcils. Soudain, plusieurs détonations résonnent au loin pour mourir à travers les ruines. Et merde…

La main de Khenzo retombe le long de sa cuisse. Ses traits se durcissent et ses muscles se contractent sous ses vêtements.

- C’est bien ce que je pense ? demande-t-il en grinçant des dents.
- J’en ai bien peur.


Ce n'est pas encore terminé, mais voilà où j'en suis pour le moment sur l'illustration de Tim !