mardi 18 décembre 2012

Soir d'orange




J’ai trente et un an. Depuis hier. Tout dans la vie m’a réussi jusqu’à présent. J’ai fait de brillantes études scientifiques. J’ai rapidement obtenu un poste dans une entreprise novatrice. Je me suis marié il y a quatre ans. J’ai acheté un appartement de haut standing. Et ma dernière acquisition est ce magnifique cabriolet rouge mat avec une bande blanche brillante qui souligne sa silhouette coupée sport. Jusqu’à présent. Car il y a peu j’ai été muté à la tête d’un projet où, même si sur le papier ça avait l’air prometteur, aucun moyen ne m’était mis à disposition pour je puisse atteindre mes objectifs. Une impasse. Ou un placard déguisé. Au choix. Et ma femme, Lucie… Charmante au départ, elle se révèle être un véritable enfer dans ma vie, vampirisant tout ce qui peut m’appartenir de près ou de loin. De très loin maintenant. Alors j’ai décidé de prendre le large. Quinze jours de vacances dans la maison familiale laissée par ma mère il y a dix ans maintenant. Mon seul jardin secret. Lucie n’y a jamais mis les pieds et elle ne le fera jamais. Et ce n’est pas moi qui la forcerais. Dix ans que je la remets en état, mur par mur, sol par sol, meuble par meuble. Perdue au milieu des bois, et éloignée de la civilisation hurlante qui nous étouffe de son hystérie et de sa folie, c’est mon havre de paix. Le seul endroit qui me raccorde avec moi-même. 

Sur le siège arrière, Théo lance un aboiement désespéré. Plus de huit heures de route auront finalement eu raison de sa patience d’ange. Théo, le dernier caprice de ma femme Lucie. Pour faire comme Amanda et Julie. Fait donc. Mais elle ne fit pas, et j’eus tellement pitié de cette petite boule de poil qui n’avait rien demandé que je la pris sous mon aile pour ces quinze jours. Une bouffée d’air pour lui et pour moi. Entre homme. Si je puis dire. 

Je pris un virage sec à toute allure, profitant de la région désertique pour entendre le moteur rugissant de ce petit bijou de technologie. J’aurais pu me contenter d’un vieux tacot qui ne m’aurait pas coûté un clou. J’aurai pu. Mais j’ai préféré céder à l’irrésistible envie de flamber devant les yeux insondables de cette forêt sombre et attirante qui nous enveloppe comme une mère protège son enfant dans ses bras. 

Après quelques virages supplémentaires, je passais enfin le pont de pierre qui menait à l’entrée de mon domaine. J’avais récemment fait installer une barrière neuve pour délimiter mon havre de paix, et je fus contrarié de constater qu’elle était déjà ouverte. Je m’engageai sur le sentier de terre et de gravier et roulais sur une cinquantaine de mètres avant de m’arrêter devant la porte du garage. Une Land Rover d’un noir étincelant était garée quelques mètres plus loin sur la pelouse. Je ne voyais pas à qui elle pouvait appartenir, et c’est avec appréhension que je fis descendre Théo de la voiture. Comme un enfant innocent il courut en glapissant de joie pour marquer son nouveau territoire. Bienvenu à la maison Théo. 

Je sortis mon sac de voyage noir du coffre pour le poser sur la balancelle de la terrasse couverte tout en jetant un coup d’œil par la fenêtre de la cuisine, mais il semblait que personne n’ai franchi le seuil de la porte car elle était toujours verrouillée. Théo me rejoignit alors que j’inspectais le bas de la maison. La cuisine et le salon était encore en chantier, mais ça commençait à prendre forme, peu à peu. Et j’espérai bien terminer cette partie les quinze jours à venir. Il ne me resterait plus que le garage et le cabanon de jardinage à remettre en état. La rénovation de cette maison était ma construction personnelle. A mesure qu’elle prenait forme je m’apprivoisais, comprenant qui j’étais et ce que je voulais. Ce que Lucie ne comprendrait jamais. 

Toujours inquiet par la présence de la Land Rover sur mon terrain, je passai par le garage et prit le fusil de chasse qui avait appartenu à mon père. Un jour. Et, Théo sur les talons je passai par l’arrière pour explorer mes terres à la recherche de mes hôtes mystérieux. Au détour d’un sentier qui menait vers les sous-bois je découvris une tâche de sang frais sur le sol. La première d’une longue série qui m’enfonça un peu plus dans l’épaisseur de cette mère à la fois sombre et bienveillante. Le cœur battant la chamade je gravis une petite butte persuadé que je trouverai la réponse à mes questions derrière. J’épaulai mon fusil chargé, avançant en silence sur la mousse humide. Et c’est là que je la vis pour la première fois.

***


Voici une deuxième nouvelle presque achevée. Elle a un début, un milieu et une fin... mais elle n'est pas parfaite ! J'aimerai bien retravailler la fin qui arrive un peu trop vite et modifier quelques petites choses. Mais c'est déjà un bon début je trouve. Si ça vous intéresse d'en lire un peu plus vous trouverez les 8 premières pages ici