mardi 6 novembre 2012

Destins croisés - Episode 9


J’eus du mal à m’éveiller, mon esprit voulait rester dans cette douce torpeur qui m’enveloppait, mais mon corps ressentait le besoin de s’animer. En ouvrant les yeux, je jetai un regard hagard autour de moi ; mes cils avaient du mal à se décoller, et je battis des paupières plusieurs fois avant de retrouver une vision nette. J’étais dans mon lit, et alors que les souvenirs de la veille remontaient en moi, une douleur aiguë transperça mon épaule. J’y portais une main et sentis un bandage solidement attaché. Je n’avais donc pas rêvé. 


Tournant la tête sur le coté, je me rendis enfin compte de la présence d’Erick dans la chambre. Il s’était assoupi dans le petit fauteuil blanc qui meublait un coin de la pièce, comme surpris par le sommeil qui l’avait emporté. Sur ses genoux était disposé le livre rouge ; une de ses mains tenait fermement la couverture patinée par le temps. Il donnait l’impression de protéger une vieille relique au prix inestimable. Il avait dû veiller tard dans la nuit, car ses traits étaient tirés et il avait le teint blafard. Je décidai donc de le laisser là et repoussai mes couvertures. J’avais gardé mon jean et mes chaussettes, mais je n’avais plus mon T-shirt noir. Honteuse en pensant qu’Erick m’avait déshabillée j’attrapai une chemise dans la commode et l’enfilai rapidement. Toujours sans faire de bruit je quittai la chambre pour rejoindre la cuisine et mis la cafetière en route. J’écartais ma chemise et le bandage de mon épaule pour observer la plaie. Elle avait déjà cicatrisé en surface, mais je sentais qu’en dessous les chairs n’étaient pas entièrement refermées. J’enlevai donc le bandage pour le jeter. Il me gênait plus qu’autre chose. 

Je soupirai, quelle nuit étrange… Mon regard se perdit par la fenêtre. L’aube pointait à l’horizon entre les deux grands immeubles de la Tour des Emissions et de l’Empire Economique, pour répandre une lueur verdâtre dans les rues. Le flot de voiture grossissait lentement, et quelques passants couraient d’une voie à l’autre sous la brume de la pollution. Je n’avais jamais aimé cette Cité, tout y transpirait le stress, l’aigreur de la vie, et les effluves âcres que rejetaient les innombrables bouches d’égout. Comment avait-on pu en arriver là ? 

Du bruit derrière moi dissipa mes pensées. Erick se tenait sur le seuil de la cuisine, l’air abruti par le manque de sommeil, ses yeux bouffis étaient injectés de sang et ses cheveux ressemblaient à un champ de bataille ravagé. Il n’avait pas dû dormir plus de deux heures. 

- Tu veux du café ? lui demandai-je en tendant une tasse fumante vers lui. 

Il entra d’un pas lourd, prit la tasse et s’assit à la petite table en résine. 

- Merci. 

Il but une gorgée en silence et son regard s’égara dans le liquide noirâtre. Lorsque sa voix s’éleva ce fût d’un ton déterminé. 

- Nous ne pouvons pas rester ici. 
- Mais… 
- Eléonaure ! me coupa-t-il sèchement. Nous ne pouvons pas rester, nous devons partir. Cardanas a réussi une nouvelle fois à envoyer un de ses sbires ici. Il ne fait plus aucun doute qu’il a établi un lien permanent entre mon monde et celui-là. Le sceau n’a pas été brisé cette nuit. Il enverra d’autres soldats, et tant qu’il ne t’aura pas tuée il en sera toujours ainsi. Tu n’es plus en sécurité chez toi. 

- Ce n’est pas possible de créer des trous dans l’espace et les mondes parallèles n’existent pas, rétorquai-je butée. 

Furieux Erick se leva d’un bond et m’attrapa violemment par l’épaule. Il enfonça ses doigts dans ma chair et rouvrit la plaie qui commençait juste à cicatriser. 

- Tu me fais mal, arrête. 

J’essayai de le repousser mais il raffermit encore plus sa prise. 

- Et ça ce n’est pas réel peut-être ? cracha-t-il. 
- Si, soufflai-je. 

Il me lâcha enfin et reprit sa place devant sa tasse de café. 

- Alors le reste est réel aussi, reprit-il. Nous devons partir aujourd’hui avant qu’ils ne reviennent. 
- Je ne peux pas tout abandonner comme ça. Ce n’est pas possible. 
- Je l’ai fait il y a des années, tu devrais pouvoir y arriver si tu tiens vraiment à ta vie. 

Je hochai la tête et repartis en direction de la chambre. 

Quelques instants plus tard, nous nous tenions sur le seuil de mon appartement. Je jetai un dernier coup d’œil sur ce qu’avait été, l’espace d’un court instant, un foyer, avant de fermer la porte, définitivement. Je n’avais pas de regret, car en réalité rien ne me rattachait vraiment à cette Cité, même si un goût amer me montait à la bouche. Une fois à bord de la voiture, je demandai à Erick où il voulait aller. Je marchais comme dans un rêve. Il mentionna le nom d’une forêt éloignée de la Cité ; personne n’y avait mis les pieds depuis des décennies, cet endroit était revenu à l’état sauvage et la présence humaine n’était plus tolérée. Erick le savait pertinemment et pourtant il maintint son choix. A contre cœur j’indiquai la direction à suivre et le véhicule se mit en route. Le ciel commençait à se couvrir et de grosses gouttes s’écrasèrent sur le pare-brise.

En ce moment c'est ma période "Templier"... ^^

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