vendredi 12 novembre 2010

Lueur d'espoir - Episode 10



- Hey ! Toi là-bas ! Ne bouge pas !

Je m'arrête. La chance ce n'est pas mon truc en ce moment. Si ça continue, il va falloir que je m'achète une patte de lapin ou une babiole dans le genre pour qu'elle me sourie un peu plus.

- Arrête-toi et lève les mains salope ! Qu’est-ce que tu transportes ?

Je dois la jouer fine si je veux survivre, car ils n’ont pas l’air d’être de bonne humeur. Je prends une bouffée d’air avant de répondre calmement.

- Je tiens une petite fille dans mes bras. Je vais la poser au sol et me retourner lentement.

Je n'espère pas trop, mais je dois bien tenter quelque chose.

- Qu’est-ce que tu fous ici avec une gamine ? me crie l’un des soldats.

Je dépose la fillette au sol et lève les mains en me retournant doucement. Qu’elle n’est pas ma surprise quand je me rends compte que ce ne sont pas des hommes du PPNG mais de l’OPPI ! Que viennent-ils faire ici ceux-là ?

- Répond ! Qu’est-ce que tu fous là ?!

Je trésaille sous l’intonation haineuse du soldat. Il n’a vraiment pas l’air de vouloir plaisanter celui-là…

- Je cherche à rejoindre un camp de réfugié…
- En cherchant dans les égouts ?

La voix du soldat est sceptique. Il est de plus en plus méfiant et ça ne sent pas très bon pour mes fesses. J'entends un déclic. Il a dégainé son arme et pointe le canon sur moi. Bon, si demain arrive un jour je m'offre une patte de lapin, ou un trèfle à quatre feuilles. Tiens ! Un trèfle à quatre feuilles c'est bien mieux qu'une patte de lapin, pauvre bête ! La fillette se met à pleurer de plus en plus fort. A présent ils sont tous les quatre à avoir dégainé leur arme et à s'approcher, l'air menaçant. Je tente une dernière chose.

- Vous êtes des hommes ?
- Quelle question ma belle ! Ça ne se voit pas ? ricane celui de droite.

Je baisse une main et attrape un couteau de chasse glissé dans l’une de mes bottes.

- Prouvez-le-moi alors ! Vos joujoux autour de la taille ne sont pas là pour faire joli !

Avec la pointe de mon couteau je désigne leurs sabres qui pendent négligemment à leur taille. Les soldats s'arrêtent, se regardent, hésitent.

- Quoi ?! Ne me dites pas que vous avez un doute sur l’issu d’un affrontement à quatre contre un...! Je suis si impressionnante que ça ?

Je prends une attitude nonchalante et méprisante. Mon ton est presque rieur. Pourtant en moi-même je prie pour ne pas m’être trompée sur leur compte. Après un moment d’hésitation je sens la colère monter en eux. Je crois que j’ai visé juste ! Ils jettent leur revolver au sol et empoignent les sabres accrochés à leur taille, le regard plein de haine pour la femme qui ose les défier. Je les attends de pied ferme. Dans un cri de rage ils se lancent sur moi. Je ferme les yeux et soupire profondément. A mon tour je m'élance à leur rencontre. Je peux entendre le chant des sabres autour de moi, je les évite et pare les attaques avec le deuxième couteau de chasse que j’ai sorti. L’autre couteau virevolte autour de moi et trouve ses objectifs. Un soldat tombe, un deuxième, un troisième... je retire la lame du ventre du quatrième dont le dernier souffle vient de s’éteindre. C'est fini. J'ouvre les yeux. Je les referme. Mon père a fait du bon boulot avec moi.

- Delta un à Delta sept ; répondez !.... Delta un à Delta sept ; répondez ! crachouille un émetteur. Delta un à Delta sept ; vous me recevez-vous ?.... Delta un à Delta sept ; me recevez-vous ?! Répondez !!....

Je m'approche du cadavre du soldat et prends l'émetteur accroché à sa ceinture. Je couvre ma bouche avec ma main et tente tant bien que mal d’imiter la voix d'un homme.

- Delta sept à Delta un ; je vous reçois... trois sur cinq. Nous avons quelques problèmes avec l'émetteur, mais rien de grave. La liaison radio va être coupée. Terminé.
- Voulez-vous qu'on vous envoie des hommes ? Terminé.
- Non, je répète ; tout va bien. Nous allons rentrer à la base vérifier le matériel. Terminé.
- Bien. Bon retour à la base Delta sept. Terminé.
- Merci. Terminé.

Je repose l'émetteur et éteins tous les appareils électriques présents sur les cadavres. Mes yeux contemplent les corps sans pouvoir s'en détacher. Je me relève enfin, mais comme vidée de mes forces, je titube et finis par m’agenouiller à nouveau au sol près des corps. Je me repasse la scène dans la tête. J’ai eu de la chance. Je n’aurai pas dû m’en tirer aussi facilement. Je me passe une main sur le visage et lève les yeux autour de moi. L’alerte semble avoir été levée et les réfugiés sortent peu à peu des abris pour venir contempler la scène.

- Xalyah !

Khenzo m’aide à me relever et me tourne autour pour voir si tout va bien. Je me sens un peu nauséeuse et j’ai une petite estafilade sur le bras.

- J'ai bien cru que t'allais y rester.
- La fillette... ?
- Elle va bien. Sa mère est avec elle.
- Et les autres unités...
- Ne t'en fais pas, si l’alerte est levé c’est qu’elles ne sont plus dans les parages.

Un attroupement se forme autour des cadavres. Les visages des gens sont partagés entre horreur, dégoût et jubilation. Comme si un tel spectacle méritait un tel intérêt.

- Khenzo ?

Je me retourne vers lui.

- Oui ?
- Je peux te demander un service ?
- Bien sûr.
- Aide-moi à les enterrer.
- Pardon ?

Ses yeux s'écarquillent.

- Tu plaisantes j'espère !

Je le regarde en fronçant les sourcils. Non. Je n'ai pas du tout envie de plaisanter.

- Ce sont des hommes ! Tu aurais pu être à leur place... mais tu n'es pas obligé.

Khenzo baisse la tête pour regarder les soldats. Je sais qu'il va m'aider. Je cherche mon manteau des yeux. On est peut-être sous terre mais c'est tout de même l’hiver et il fait de moins en moins chaud. Je l'aperçois sur le dos de la mère de la fillette.

- S’il vous plait ! J'aimerais bien récupérer mes affaires.

La jeune femme sert le vêtement contre elle et hoche la tête. Je suis soufflée.

- Non ?! C’est la meilleure. Rendez-moi ce manteau tout de suite.
- Donnes-lui dix euros et elle te le rendra, me glisse mon compagnon à l’oreille.
- Tu plaisantes Khenzo ?
- Non. C’est comme ça que ça marche ici.
- Attend... tu es en train de me dire qu’ici on paye les voleurs pour qu’ils rendent les objets volés ?!
- Hum... oui, désolé.

Je respire un bon coup et tente de me calmer. Mais non je ne cracherai pas dix euros pour récupérer mes affaires des mains de la mère à qui je viens de sauver la vie de sa fille ! Je prends un air menaçant et foudroie la jeune femme du regard.

- Rendez-moi mes affaires où vous allez regrettez que votre fille ne soit pas restée aux mains des soldats.

Quelques personnes de la foule qui m'ont entendue, s'écartent de moi et regarde la fillette, inquiètes. Il n'en faut pas plus pour que sa mère craque. Elle éclate en sanglots et prestement me rends mon manteau avant de partir en courant.
A présent, il faut enterrer les quatre hommes. Je fais un peu de place autour d'eux et demande si deux personnes veulent m'aider pour leur creuser une tombe avec Khenzo. Le silence s’abat brutalement sur la foule. Personne ne répond. Tout le monde se regarde avec méfiance, comme s’ils allaient se jeter sur le premier qui parlerait.

- Les deux personnes seront payées dix euros chacune ! lance Khenzo.

Là plusieurs mains se lèvent. S'en est trop.

- Non mais je rêve ! Il faut qu'on vous paye pour que vous restituiez les affaires aux gens et il faut qu'on vous paye pour que vous daigner enterrer quatre hommes qui se sont battus pour leurs convictions ! Ce ne sont peut-être pas les vôtres, ni les meilleures, on est d'accord ! Mais ayez un peu de respect dans la vie, ça vous bouffera pas ! Personne ne veut les enterrer ?! Ce n’est pas un problème, je le ferai seule ! Mais vous me dégoûtez et vous ne valez pas mieux que ceux qui vous oppressent…

La foule reste silencieuse. Khenzo s'approche d'un des cadavres.

- Je n'ai pas besoin de ton aide. Vous êtes tous plus pourris les uns que les autres ici.

Sans un regard pour l’homme que je viens d’insulter je vais chercher une corde dans mon sac. En revenant je disperse la foule qui commence à jeter des cailloux aux cadavres. Khenzo, lui, a disparu. J'attache les quatre hommes par les pieds à l'aide de la corde et commence à les tirer derrière moi. Les gens s'écartent sur mon passage. On peut entendre le frottement des cadavres sur le sol ; ça me fait mal au coeur mais je continue ainsi jusqu'à l'entrée de la cité souterraine. Les gardes me regardent bizarrement mais me laissent passer sans rien dire. Et cela vaut mieux pour eux, je suis d’une humeur massacrante.
Dehors la nuit tombe doucement et le froid se glisse sous mes vêtements. Malgré tout il faut que je trouve un endroit où je pourrai enterrer ces quatre hommes. Je trouve un terrain vague à deux cents mètres de là. Avec mon couteau je découpe le grillage qui en barre l’accès et tire les corps un à un au milieu du terrain. Comme je n'ai pas de pelle je me sers de mes couteaux pour commencer à creuser. Quelle ironie du sort, se faire enterrer à l’aide des armes qui ont servi à nous tuer. Avec mes mains je déblaye les trous qui commencent à prendre forme, ce n'est pas particulièrement agréable.
Cela me prend des heures entières, pour les quatre tombes. Ces hommes étaient tous âgés d’une vingtaine d’année. Ils se prénommaient Théo, Mousha, Lens et Fabrice, d’après l’écusson qu’ils portaient à l’épaule droite. Je traine péniblement leur corps dans les trous, prenant soin de disposer leurs effets personnels à coté d’eux. Je ne crois pas en l’au-delà. Je ne pense pas qu’il y ait une autre vie après la mort. Je pense juste qu’on a le droit d’avoir une sépulture décente. J’aimerai croire en un monde meilleur après cette vie, mais c’est se voiler la face que d’y songer sérieusement. Je replie leur bras sur la poitrine et commence à remettre la terre sur eux. C’est toujours aussi pénible à faire. Cela fait partie des choses dont je ne m’habituerai jamais. Une fois la dernière motte de terre remise en place, je ramène quatre petits blocs de granit que j’avais aperçu à l’entrée du terrain vague. Je grave quatre cercles imbriqués les uns dans les autres, afin d'honorer les morts comme il se doit. Même si tout nous opposait, à commencer par la conception que l’on a de la vie, ils ne méritent pas d’être lapidés par une foule haineuse.
Je n'en peux plus. J'ai mal au dos, et je suis lasse de ce monde de cons qui semble avoir perdu toute humanité. Les gens n’ont-ils donc plus de valeurs ?

Et voilà ! Avec beaucoup de retard (désolée ^^) voici enfin une illustration qui représente le détecteur de chaleur qui fait également office de mémo. Il y aurait sans doute des choses à améliorer en terme de design et d'ergonomie, donc on va dire que c'est une première version du "machin".
Quant à la suite du récit, je suis un peu moins satisfaite des dialogues. J'arrangerai ça par la suite pour avoir quelque chose de plus sympa.
Notre petite bagarreuse n'est pas au bout de ses peines...

2 commentaires:

  1. Superbe Lyviah (;)),
    Même si, comme tu le souligne il y a un petit truc qui ne vas pas avec les dialogues.

    En tout cas merci pour l'illu du détecteur. C'est bien aussi de se diversifier. :D

    Aller, la suite la suite ! :p

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  2. Merci L'âne fou !

    Pour les dialogues je vais essayer d'y remédier au mieux. ^^

    Et la suite est en cours !

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