jeudi 30 septembre 2010

Lueur d'espoir - Episode 9


C'est en ruminant ces sombres pensées que je m’arrête derrière la petite troupe de Tim. Nous venons d’arriver devant les portes de la cité souterraine : deux grilles d'égout. Une sentinelle armée jusqu'aux dents monte la garde et nous barre le passage, l’œil mauvais et prêt à tirer si nous faisons le moindre geste suspect. Tim leur donne le nom de code de son groupe. L'un des gardes baisse son arme pour aller vérifier l’information sur un ordinateur de poche. Il s’approche ensuite de Tim et lui demande de poser son index sur un appareil tactile. L’emprunte digital est scannée et analysée en quelques minutes. L’homme nous dévisage un à un, vérifiant les portraits des personnes qui accompagnent le chef du groupe. Ses yeux se posent sur moi avec un regard inquisiteur.

- Qui c’est celle-là ? Elle ne fait pas parti de ton unité, déclare-t-il en direction de Tim.
- Non, elle…
- Elle ne restera pas longtemps.

Khenzo s’interpose avant que l’aîné ne décide de n’en faire qu’à sa tête.

- On l’a croisée hier et elle nous a donné un coup de main face au PPNG.

Le garde me dévisage plus longuement sous son casque de marine. Après avoir échangé quelques mots à voix basses avec son compagnon il me fait un signe de la tête. Il me photographie et m’ajoute au tabloïde de l’équipe de Tim.

- Bienvenue à la maison les gars, déclare-t-il enfin sur un ton amical.

Nous passons les deux grilles pour nous enfoncer dans les égouts qui plongent sous terre. Il fait un peu plus chaud qu’en extérieur, mais l’humidité est presque plus désagréable que l’air glacial. Tim marche en tête, nous le suivons tous de près.

- Je dois aller faire mon rapport à Max, lance-t-il. En attendant remettez l’abri en état. Quant à toi Xalyah je veux que tu nous trouves de quoi manger pour ce soir. On dira que c’est un échange de bons procédés.
- Mais je...
- Fais ce que je te dis gamine ! Ici c'est moi qui donne les ordres. On t’héberge, tu nous apportes la bouffe ! C’est ça ou rien. A toi de choisir.

Les échanges de bons procédés ont bon dos aujourd’hui… Qu'est-ce qu'il peut me taper sur les nerfs ce type. Le reste du groupe me dépasse sans me jeter un regard pour s’enfoncer dans les boyaux des égouts. Geremy est le seul à s’arrêter à ma hauteur. Il me fait un grand sourire, attendant visiblement que Tim disparaisse à l’angle.

- Viens, suis-moi ! Pépé est pas très sympa, mais moi oui ! me lance-t-il avec un sourire espiègle. Je vais te montrer où trouver de la bouffe.

Avant que je ne puisse dire un mot, il s’élance à son tour dans les égouts en m'attrapant la main pour m'entraîner derrière lui. Arrivée au coude du tunnel je suis surprise de voir le monde qui circule dans les galeries des égouts. Une foule silencieuse qui se déplace comme si nous nous trouvions dans une fourmilière. Les sons semblent mourir étouffés dans ce labyrinthe de galerie. Le gamin se fraye un chemin à travers les gens qui encombrent le passage, jouant des coudes et n'hésitant pas à marcher sur les pieds. Les égouts ont vraiment été aménagés comme une petite ville. Des renfoncements ont été creusés à intervalle réguliers. Nous passons donc devant des échoppes, des boutiques, et même des cabarets. Ici la vie semble continuer et ignorer le chaos qui règne à la surface. Tout en suivant le gosse dans sa course effrénée, j'enregistre la disposition des lieux. Un groupe armé avec qui je suis restée plus d'un mois, m'a enseigné quelques techniques rapides et efficaces, ainsi que pas mal d’autres choses utiles. Plusieurs fois leurs conseils m'ont sauvé la peau. Je leur dois beaucoup.
En attendant je suis toujours Geremy et je n'ai pas encore trouvé de quoi manger pour ce soir et rassasier tout le monde. Alors que j'allais en faire la remarque au gosse, celui-ci s'arrête brutalement pour me montrer une boutique miteuse du doigt. Un peu plus et je lui rentrai dedans.

- C'est la meilleure épicerie niveau rapport qualité/prix. Bon je te laisse faire ton choix ; j'ai un truc à faire. A tout à l'heure.

Geremy se fond à nouveau dans la foule et me laisse sur place. Je hausse les épaules et traverse la rue souterraine en me glissant entre les passants. Ça sent fort le poivre à l’intérieur. Je me retiens d’éternuer en me pinçant le nez. L’espace n’est pas très grand et les murs sont recouverts d’étagères plus ou moins vides. Il n’y a que de la nourriture. Je prends quelques articles, comme des pâtes, du riz, de la gelée et une pastèque que je déniche derrière une corbeille de fruits avariés. Une fois satisfaite de mes trouvailles je me dirige vers celui qui tient les lieux. Il inspecte mes emplettes en fronçant les sourcils puis sans me regarder il annonce le prix.

- Quarante euros !

C'est cher ! Je suis toujours dépitée par les tarifs pratiqués. Mais il faut bien se faire une raison. C’est partout pareil de toute façon. Je sors deux billets de vingt de mon portefeuille et les tends au petit homme.

- Savez-vous si un groupe d'une centaine de civils est passé par ici ces derniers temps ?

L'homme me dévisage. J'attends une réponse. Il me tend mes achats. J'attends toujours. Je les prends. Pas de réponse.

- Vous avez perdu votre langue ?

Toujours aucune réponse. Je sors de l'épicerie sans trop me poser de question. Il faudra que je demande à Khenzo s'il peut toujours m'avoir des infos par son contact.
Maintenant, je dois m’atteler à la tâche ardue de trouver l’emplacement de l’abri de Tim. Je déambule dans les boyaux souterrains. C’est une sensation étrange de se balader avec un sac de provision dans les égouts, avec par-dessus tout une foule si peu bruyante qu’on a l’impression d’être dans une bulle, étouffant tous les bruits alentour. Chacun semble savoir où aller, certains portants de lourdes malles métalliques, d’autres se déplaçant en petit groupe et parlant à voix basses. Des femmes se promènent simplement avec leurs enfants comme si elles allaient chercher le pain avec leurs bambins. C’est surréaliste. Vraiment. Pourtant les gens n’ont pas l’air d’être inquiets ou de se soucier de leur environnement. Au bout d’un moment je croise Camélia qui sort d'un renfoncement avec un sac en toile à la main. Son visage est un peu pâle et son bras est en écharpe pour ne pas trop solliciter son épaule. Je ne m’en fais pas pour elle. C’est une jeune femme qui à l’air solide, elle s’en remettra assez vite. Quand elle m'aperçoit elle se fend d’un grand sourire et se dirige vers moi. Je lui fais un signe de la tête lorsqu’elle arrive à ma hauteur.

- Je suppose que tu ne sais pas où se trouve nos quartiers.
- Non… pas vraiment…
- Alors suis-moi.

Je marche dans ses pas en silence. Il nous faut un bon quart d’heure avant d’arriver aux quartiers de Tim. Camélia me laisse là. Elle a d’autres plans pour cette nuit que de rester ici. Je la remercie et la regarde disparaitre dans la foule qui commence un peu à diminuer. L’abri est fermé par une porte métallique. J’appuie sur ce que je pense être le bouton d’entrée, c’est un petit rond en pierre incrusté dans la paroi. Il s’enfonce et la porte s’ouvre dans un bruit de pneumatique rouillé. Cela ressemble beaucoup au renfoncement de l’épicerie. C’est composé d’une pièce principale meublée d’une petite armoire métallique, un couloir au fond de la pièce semble desservir plusieurs alcôves avec des couchettes. Une lampe à huile accrochée au plafond éclaire le tout.
Khenzo est au milieu de la pièce principale et essaye d'allumer le réchaud. Je ne vois personne d’autres. Je déballe mes emplettes et commence à préparer le dîner avec la vaisselle que je trouve dans l’armoire qui tient encore debout par je ne sais quel miracle.

- Au fait Khenzo, tu m'avais dit que....

Un signal sonore, strident, m'interrompt soudainement. D'un seul coup une intense agitation semble s’emparer des égouts. J’entends quelques cris qui semblent être des ordres de l’autre coté de la porte. Khenzo éteint rapidement le feu qu’il s’était évertué à allumer, désactive tous les appareils électriques, et appuie sur un bouton rouge que je n'avais pas encore remarqué. Cela déclenche un mécanisme qui fait descendre un mur d’acier devant la porte d’entrée de l’abri nous condamnant à l’intérieur. Une autre porte s'ouvre dans la paroi de droite, à coté du bouton rouge, découvrant une petite cellule.

- Mais qu'est-ce que... ?
- Chut ! Viens ici !

Il me pousse brutalement dans l’abri et je m’écrase contre le mur. Il souffle sur la lampe à huile, nous plongeant ainsi dans le noir avant de me rejoindre dans la cellule. La porte se referme aussi sec. Je n’ai rien compris à ce qu'il vient de se passer, tout est allé trop vite.

- Qu'est-ce qui... ?
- Chut, répète Khenzo dans un murmure. Des unités ennemies sont dans le secteur. Si ces cellules masquent notre présence sur les détecteurs de chaleur elles sont inefficaces pour diminuer le bruit.

J'allume mon détecteur.

- Éteins ça tout de suite ! Ils vont nous repérer, dit-il en me prenant violemment le poignet.
- Je l'ai payé suffisamment cher pour qu'il soit équipé d'un fantôme.

Je me dégage de son étreinte. L'espace est étroit et je le bouscule pour pouvoir aisément manier le détecteur.

- Tu me marches dessus, souffle-t-il.
- Désolée.

Un silence pesant s’est installé. Deux minutes auparavant on pouvait percevoir cette effervescence assourdie qui agitait les égouts, mais à présent un silence de plombs régnait au-dessus de nos têtes. J'ai toujours détesté le silence absolu. Il est souvent annonciateur de malheur. Je regarde mon détecteur. Des points gris s’allument m’indiquant la présence de rongeurs en tout genre dans le secteur. Puis progressivement, des points rouges se mettent à clignoter aux alentours de la cité. Il y en a une trentaine au totale dans un rayon de trois kilomètres. D’après le détecteur il n’y a pas d’armes lourdes. Ce sont des troupes à pieds. Certainement le même genre d’unité que nous avons croisée hier. Au bout d’un moment je percute avec surprise qu’il n’y a en effet aucune présence des civils. Le détecteur ne les voit pas. J’ai beau activer tous les filtres, zoomer et dé-zoomer, pas une seule trace d’eux. Ces cellules sont vraiment efficaces car le petit bijou que je tiens entre les mains est à la pointe de la technologie. Mon attention se reporte à nouveau sur les points rouges. D’après la disposition des lieux que je garde en mémoire quatre d’entre eux sont en train de franchir les grilles d’entrée des égouts. Qu’est-ce qui pourrait attirer des troupes du PPNG dans les égouts ? Je suppose que c’est le PPNG car je ne vois pas qui ça pourrait être d’autre. Vu comment leur gars se sont faits descendre, et comment ils ont renforcé leur patrouille ensuite, ce ne peut être qu’eux. Quelqu’un aurait-il vendu la mèche ?
Pendant que je me concentre sur leur progression et que je réfléchis aux récents événements un autre point apparaît sur le cadran de mon appareil. Je n'y fais pas attention jusqu'à ce que Khenzo me tire la manche pour me le montrer. Il est jaune et il est juste à coté de nous. Ce doit être un civil qui n’a pas eu le temps de se cacher. Ce que je ne comprends c’est pourquoi il reste immobile ? Dans le noir je sens mon compagnon se baisser contre la paroi qui donne coté égout. Je me demande bien ce qu'il fait. Il se relève presque aussitôt, tout agité. A la lueur du détecteur ses yeux noisette ont un étrange regard. Il s'approche de moi et me glisse à l'oreille que ce civil n'est autre qu'une fillette de trois ans.

- J'y vais !

J'allais appuyer sur le bouton qui aurait ouvert la cellule mais l’homme m'attrape une fois de plus violemment le poignet pour m'en empêcher et me retenir.

- Ne fais pas ça, si tu y vas ils te verront, murmure-t-il doucement. C’est du suicide.
- C'est une fillette !
- Je sais et c'est peut-être pour ça qu'elle pourra s'en sortir.

Je regarde le détecteur. A présent les quatre hommes sont à quelques rues d'ici, ils se rapprochent.

- Je ne peux pas... Désolée. Tu n’as aucune idée du sort qu’ils réservent aux plus jeunes d’entre nous.
- Xalyah n'y va pas.

Khenzo me sert le poignet de plus en plus fort.

- Lâche-moi ! Je sais ce que je fais.

A regret il me lâche enfin mais sa main s'attarde sur la mienne. J'appuie sur le bouton. La porte s'ouvre et le mur d’acier se lève. J’appuie sur le bouton rouge, déclenchant le mécanisme de fermeture avant de glisser sous le mur d’acier et la porte métallique qui se referment. La fillette est assise à quelques mètres. Elle tient une poupée en chiffon dans ses mains et regarde autour d’elle apeurée. Je m'agenouille devant elle et l'enveloppe dans mon manteau en prononçant des paroles rassurantes. Je la prends alors dans mes bras et m'éloigne le plus rapidement possible. Avec un peu de chance ils n'ont pas vu notre présence, et si j'arrive à temps pour prendre le coude du boyau...

Voilà la suite ! Pas de détecteur de chaleur détaillé, mais un nouveau dessin de Khenzo. J'avais essayé une version en couleur, mais finalement ce sera du noir et blanc pour rester dans la lignée des autres.

2 commentaires:

  1. Mais... !!
    Tu joues avec le lecteur à t'arreter comme ça Lyly !! C'est pas gentil !! :o

    En plus.. hum.. il y en a qui attendent toujours une illu d'un certain détécteur (en couleur hein?! ;)).
    Et puis.. hum.. pourquoi pas aussi un shéma de la ville-égoux souterraine ?! ^^

    Bon, je te laisse tranquil, c'est toi qui gère et tu fais ça très bien. Je suis, évidemment, pressé de lire la suite ! :)

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  2. Mouhahaha... comment ça je pas gentille ?! :p

    Ben pour la couleur, je préfère la version colorée de Khenzo que celle en n&b. Je vais éditer l'image et mettre les deux versions.
    Le détecteur sera probablement en couleur... mais vu que c'est un boitier noir/gris... il y aura juste les petits signaux lumineux qui seront en couleur.
    Je pourrai éventuellement faire un schéma de la ville, mais bon, c'est bien de garder un peu de mystère pour que chacun s'imagine les lieux à sa guise. Je parle de la disposition générale des lieux. Rien ne m'empêchera de dessiner (quand j'en aurais le courage) un décors de la ville souterraine.

    La suite est au chaud, elle attend une illustration :p

    Merci pour ton commentaire en tout cas !

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