samedi 19 juin 2010

Du temps de Néron



On passe sa vie à se poser des questions. De bonnes questions. De mauvaises questions. Des questions qui en sont, et d'autres qui n'en sont pas.
Si Lysiah avait vécu à l'époque de Néron qu'aurait-elle été ?
Aurait-elle joué le rôle de la mère protectrice, envahissante, meurtrière ? Aurait-elle donné sa vie pour placer son fils sur le trône ?
Aurait-elle joué le rôle de l'épouse et sœur adoptive ? Se serait-elle pliée aux règles de la haute société à en mourir ?
Aurait-elle joué le rôle de la belle-mère comploteuse ? Aurait-elle ourdi des meurtres en secret et échoué pour mourir plus tard ?
Où se trouve la place de la vérité, de l'honnêteté et de la raison dans un monde d'une telle démesure ? Sûrement pas dans les livres d'Histoire. Tacite et Suétone avaient leur propre enjeux, leur propre implication dans l'Histoire. Comment être objectif ? Comment être impartial ? Ceux qui sont coupables pour les uns sont innocents pour les autres. C'est trop facile d'accuser à tord et à travers. Que sait-on vraiment de tout ça ? Caligula était-il vraiment le fou qui fait ramasser des coquillages à son armée parce que le "son est beau" ? Ou était-il un empereur à la main de fer qui maintient la discipline dans ses rangs, punissant les indisciplinés ? Néron était-il cet empereur fou qui chantait "La chute de Troie" devant les flammes ravageant Rome ? Où était-il un empereur soumis à la pression des complots et des assassinats de son entourage ? Comment démêler le vrai du faux sans se fourvoyer... vaste chantier.
Lysiah aurait probablement vogué en eaux troubles saisissant les opportunités pour survivre, saisissant les occasions pour vivre. La débauche de cette époque n'est peut-être pas si différente de la débauche de "notre" époque. L'hypothétique Lysiah de la Rome antique n'est peut-être pas si différente de la Lysiah actuelle. L'ère du numérique n'est-elle pas une débauche de luxe et de gadgets ? L'essence de la nature humaine réside dans ses excès. Les pires comme les meilleurs. Les merveilles sont les excès luxueux des fous. Pourtant on les admire. L'abîme dans lequel on plonge avec horreur est le même abîme que l'on observe avec fascination.
L'Homme est fasciné par ses propres excès. Lysiah est fascinée par ces propres forces et faiblesses qui signeront sa fin un jour ou l'autre, et ce dans n'importe quel univers.


Néron avait peut-être compris une chose que Lysiah ne peut pas et ne veut pas comprendre : on survit toujours au détriment d'un autre, qu'on le veuille ou non.


Une bible sur Néron... de quoi cogiter pendant des heures et des heures. Un enseignement de vie, de lutte de pouvoir, et d'ambition ! Une époque sombre et mystérieuse qui nous fait plonger dans un univers de velours et de venin...

vendredi 11 juin 2010

Lueur d'espoir - Episode 4

Un peu fatiguée après une nuit aussi courte, mon attention se relâche alors que mes pensées divaguent sur toutes les possibilités inimaginables. J’imagine que l’ennemi se fait passer pour des gens de la population locale afin de s’infiltrer à tous les niveaux. Si Macrélois tient tant que ça à reprendre le contrôle de la France et de ses frontières, c’est ce qu’il aurait de mieux à faire. Il pourrait répandre des rumeurs, camoufler les bévues et inventer des faits qui pousseraient les gens à se rallier à lui sans résister. Et d’après ce que j’avais pu apercevoir, la bonne parole serait bientôt prêchée par des âmes innocentes et juvéniles. Si seulement…
Ruminant ces idées pas très gaies, je pose mon menton sur la paume de mes mains et lâche un soupir. La petite pierre, sagement disposée à coté de ma mitraillette, n’attendait que de se faire pousser d’un centimètre pour se faire gentiment la malle, dégringoler les deux étages en un bruit assourdissant et rouler de l’autre coté de la rue pour s’arrêter au pied d’une des femmes. J’en aurais rigolé si je ne savais ce que ça signifie. Déjà ça s’agite en bas, l’aîné criant une série d’ordre à chacun des membres du groupe.
Et c'est reparti. Décidément ce n'est pas mon jour... ou plutôt ma nuit. Comme la fois précédente je gagne le toit de l'immeuble. Plus tôt, j'avais repéré que je pouvais rejoindre un second immeuble par le toit en cas de pépin, et m'enfuir par là. Je jette tout de même un regard sur le détecteur de chaleur, j'ai l'impression qu'ils sont tous entrés dans le hall. Cela me facilitera les choses. Je traverse à nouveau les gravas dans l’autre sens et me hisse le long d’une échelle de secours rouillée qui tient encore par je ne sais quel miracle. Sur les décombres du toit j’escalade les murs à moitié effondrés pour atteindre une partie encore maintenue par des poutres en ferraille. Essoufflée, je reprends ma respiration. La nuit est encore bien noire, mais je sens de l’agitation un peu plus bas dans les ruines. Sans prendre le temps de regarder le détecteur de chaleur pour savoir exactement où sont situés les membres du groupe, je saute sur le toit voisin.
La cavalcade reprend. Je dois mettre le plus de distance possible entre eux et moi. Je traverse le toit en courant et en pestant contre ma connerie. Quelle idée j’ai eu ! La prochaine fois, c'est promis, je serais moins curieuse. Je saute d’étage en étage amortissant ma chute du mieux possible. Je traverse le hall pour gagner la rue. Coup d’œil à droite. Personne. Coup d’œil à gauche. Personne. Je me remets à courir. Moi qui n'aimais pas l'endurance, c'est devenu un de mes passe-temps les plus courants.
Après dix minutes de course intense je ralentis un peu le rythme. Mes poursuivants doivent sûrement avoir abandonné. Je relâche ma vigilance et reprends mon souffle. Même si j’en ai l’habitude, c’est toujours éprouvant. Après avoir réussi à calmer les battements de mon cœur je tends l’oreille. Je n’entends plus rien à par la torpeur d’une ville en ruine. Je n’ai plus rien à craindre. Ils ont sûrement rebroussé chemin, voyant que je ne cherchais pas à les affronter. Je range enfin correctement mon sac et le boucle solidement. La mitraillette pend en bandoulière sur mon flanc droit. Je balance mon barda sur l’épaule et me remet en route le cœur plus léger. Finalement cette petite mésaventure se finit bien.
Enfin c’est ce que je croyais…
Alors que j’arrive à un croisement quelqu’un que je n’ai pas entendu arriver se jette sur moi. Avant même de comprendre quoi que ce soit je roule à terre et me rétabli sur mes pieds prête à partir. Mais l'individu, toujours au sol, m'attrape les jambes et me fait tomber. Je mors une seconde fois la poussière. Un coup de poing m'assomme à moitié. Mon sac et la mitraillette m’encombrant je m’en débarrasse pour parer un second coup de poing. Alors que l’homme arme à nouveau son poing je me dégage de son emprise et me relève promptement. Je lui lance un coup de pied dans les cotes qui lui coupe le souffle. Je ne ferais pas le poids face à lui. Il ne me reste qu’une seule solution. La fuite. Comme d’habitude. Dans la foulée j'attrape mon sac et en sors le détecteur pour m'assurer une issue. Après une centaine de mètres parcourus à toute allure, je m’aperçois que mon agresseur me poursuit. Et le pire c’est qu’il regagne du terrain. Il est coriace celui-là. Je ne sais toujours pas comment je vais me sortir de ce pétrin. Il n’y a pas d’autre chemin que cette ruelle étroite qui débouche dans cinq cent mètres sur un carrefour. Ce qui devait arriver arriva. Quelques mètres avant le carrefour l’homme m’attrape le bras et me projette contre le mur en m’attrapant à la gorge. Il me dépasse d’une bonne tête, et sa veste en cuir craque lorsqu’il me soulève du sol. Pour la première fois je croise son regard. Ses yeux noisette ne transpire ni cruauté, ni violence. Juste de la colère et un peu d’anxiété. Je lâche la sangle de mon sac pour attraper son poignet et soulager la pression de sa poigne sur ma gorge. Mes pieds sont à quelques centimètres du sol et je commence à manquer d’air. Je suis fichue.

- Qu’est-ce que tu nous veux ?! Pourquoi tu nous surveillais ? Tu es à la solde de qui ?

Il a le souffle court et rauque. Le coup que je lui ai donné dans les cotes continue de l’indisposer. Je tente de répondre mais ses doigts serrent de plus en plus ma gorge. Il donne un coup de poing dans le mur à quelques centimètres de mon visage.

- Répond !

Même si j’en ai envie je ne peux pas. Mes yeux quittent son regard pour balayer les environs. Quelque chose dans le paysage attire mon regard. Cette fois pas de doute c’est bien une patrouille du PPNG qui s’approche de nous. Paniquée je fais signe à l’homme qui me tient fermement de regarder derrière lui. Intrigué il jette un regard par-dessus son épaule. Son étreinte se ressert encore. Il se retourne lentement vers moi.

- Tu es avec eux ? murmure-t-il.

Je fais signe de la tête que non. Il regarde alors mes armes fixées à mes cuisses par des sangles. Ses yeux se plantent à nouveau dans les miens.

- Lorsqu’ils seront à vingt mètres tu prends les cinq qui sont à gauche et moi les cinq autres à droite. Compris ?!

Je fais signe de la tête que j’ai compris. Il me repose doucement au sol et relâche enfin ses doigts autour de mon cou. J’avale une bouffée d’air de travers manquant de m’étouffer. L’homme me fait les gros yeux.

- On aimerait bien en profiter aussi ! D’où tu la sors cette chienne ?! déclare l'un des soldats.
- A combien de mètres sont-ils ? murmure à nouveau l’homme.

Je me décale un peu pour apercevoir les dix hommes armés jusqu’aux dents qui se rapprochent de nous.

- Trente mètres.
- Tu es bonne tireuse ?
- Je me débrouille.
- Alors maintenant !

Tout en me jetant sur la droite je dégaine mes deux revolvers et tire sur les cinq hommes à droite. Toutes mes balles font mouche. Et avant même que l’un d’eux ne réagissent les dix hommes se retrouvent à terre. Trois d’entre eux font mine de bouger, je vise à nouveau et tire trois fois. Trois tirs parfaits qui achèvent les victimes. L’homme regarde les corps étendus trente mètres plus loin. puis lève un sourcil dans ma direction. La colère a disparu de ses yeux. Il me tend la main pour m’aider à me relever. Nous allons peut-être pouvoir repartir sur de bonnes bases. Si tant est qu’on puisse trouver la mort de dix hommes être une bonne base.

Voici donc le retour de Xalyah !
Il est de ces rencontres qui peuvent changer le cours des choses. C'est ce que l'on attend tous. Ces petits quelques choses qui font que notre vie prend un autre tournant, une autre dimension.