dimanche 13 décembre 2009

Sometimes, we dream... - Episode 2


Alors qu'elle ramenait de l'eau puisée sur la place centrale, elle sentit les regards haineux se poser sur sa nuque.
Malgré les années qui s'étaient écoulées depuis son arrivée dans le village, l'attitude des villageois à son égard n'avait jamais changée. Elle faisait partie de ceux qu'on appelait les "rejetons". Venus de nul part ils étaient réputés pour être dotés de facultés particulières. Si la majorité d'entre eux communiquaient avec les animaux comme avec les humains, certains possédaient des capacités encore plus effrayantes aux yeux des gens "normaux". Elle avait entendu parler de rejetons qui étaient capables de voir dans l'avenir, de guérir les maladies par miracle, ou encore, mais beaucoup plus rare, de maîtriser une infime partie de la magie des Dieux. Ceux-là étaient la cible de véritables chasses à l'homme qui se terminaient en pendaison haute et courte devant une assemblée hystérique.
Heureusement pour elle, elle faisait partie des rejetons inoffensifs qui pouvaient comprendre le langage animal. De ce fait, la population de ce village la tolérait, même s'ils lui montraient ouvertement leur mépris pour les gens de son espèce. Et elle avait fini par s'y habituer.


Elle se dirigea vers le sud du village, là où se situait le quartier le plus miteux et qui était également le seul endroit où elle avait trouvé un toit pour se loger. Pour gagner un peu sa vie, elle offrait un abris et un repas chaud pour les gens du voyage, qui n'avaient pas les moyens de passer une nuit dans la seule autre auberge du village qui pratiquait des prix exorbitants.
Le bâton auquel elle avait attaché deux seaux d'eau remplis à ras bord pesait lourd sur ses épaules. Elle croisa la patrouille qui surveillait cette section du village et effectuait sa ronde habituelle. Elle ignora le jeune soldat qui continuait de la fixer. Ce n'était pas la première fois que quelqu'un la regardait comme ça, et ce ne serait sûrement pas la dernière.
Elle s'engagea dans une petite ruelle qui lui raccourcirait le chemin jusque chez elle. Perdue dans ses pensées, elle sursauta en entendant un raclement de gorge dans son dos. En se retournant elle vit que deux gamins occupaient la largeur de la ruelle, un bâton à la main frappant la pierre d'un air menaçant. Ces gamins se prenaient pour les terreurs du quartier, et s'amusaient à effrayer les plus jeunes, allant jusqu'à en frapper plus d'un pour les voler. Tout le monde le savait, mais personne ne faisait rien. Elle les ignora et continua sa route pour déboucher sur une mini place. Sa modeste demeure se trouvait de l'autre coté dans un renfoncement de la place, une baraque en bois coincée entre deux bâtisses à moitié délabrées.
C'est là que les deux gamins décidèrent de passer à l'action. Ils l'attrapèrent par les épaules et la firent chuter en arrière.


- Alors sale rejetone ! Qu'est-ce que tu as sur toi qui pourrait nous intéresser ?!


Ils commencèrent à la fouiller sans aucun ménagement. Encore étourdit par la chute, elle reprit ses esprits et balança son pied droit dans le nez d'un des gamins qui craqua sinistrement. Il hurla de douleur et porta ses deux mains au visage pour enrayer le sang qui giclait.


- Fracasse-lui la tête Veress ! T'as vu ce qu'elle m'a fait !


Le plus grand et plus costaud des deux reprit son bâton et le leva au-dessus de sa tête pour l'abattre férocement dans les côtes de la jeune femme. Elle en eut le souffle coupé.


"Elyss... j'ai besoin de toi..." lança-t-elle intérieurement aussi fort que possible.
"Que se passe-t-il ?"
"J'ai besoin de toi... deux gamins..."
"Je suis loin, tiendras-tu le temps que j'arrive ?"
"Oui, mais fait vite !"
"Accroche toi petite humaine."


La rejetone encaissa deux autres coups sans arriver à reprendre son souffle. Elle entendit un bruit de course dans la ruelle d'où elle était arrivée et des éclats de voix. Les deux gamins lui balancèrent encore quelques coups de pieds avant de détaler comme des lapins. Un soldat venait de mettre en déroute les deux terreurs. Elle s'adossa au mur pour reprendre ses esprits. Le soldat ramassa les affaires de la jeune femme et s'approcha d'elle. Quand il voulut lui tendre la main pour la relever elle fit un geste brusque de refus et se remit sur pied seule. Elle épousseta sa tunique bleue et resserra le lacet au niveau de sa poitrine avant de réajuster ses hauts de chausse. Alors que le soldat lui tendait ses affaires un loup surgit de nulle part pour se mettre entre lui et la jeune femme. Babines retroussés il grognait sauvagement en direction du jeune homme. C'est là qu'elle s'aperçut que c'était celui qui la regardait depuis ce matin. Il commençait à lui taper sur les nerfs.
Elle calma le loup en lui posant une main sur la tête et reprit ses affaires en évitant soigneusement de toucher le soldat.


- Si tu tiens à ta promotions soldat, tu devrais éviter de te préoccuper du sort d'une rejetone, déclara-t-elle avant de tourner le dos.


Ses cheveux, retenus en deux nattes qui partaient de ses tempes pour se rejoindre au niveau de sa nuque volèrent quelques instants dans les airs avant de retomber sur ses reins.
C'était la première fois qu'il entendait le terme "rejetone", et même s'il avait l'impression que ça sonnait de mauvais augure, qu'est-ce que ça pouvait lui faire qu'elle en soit une ou non. Il ne faisait que son devoir de soldat.


- Quel est ton prénom ? lança-t-il à tout hasard, se fichant éperdument des regards inquiets des villageois qui volaient du jeune soldat à la rejetone.


Le loup qui l'escortait s'arrêta et se retourna en même temps qu'elle pour se mettre en position défensive. Levant un sourcil interrogateur elle se fendit d'un sourire espiègle et répondit.


- Louve. Je m'appelle Louve.